(continuation de l’article)
Syriza
Vangelis Goulas, membre de Syriza, nous a expliqué que son parti vient des luttes altermondialistes et n’est donc pas né en un jour et récemment. Sa première apparition date des élections législatives de 2004, fruit d’une alliance électorale de plusieurs partis de gauche, partiellement initié déjà pour les élections locales de 2002. En 2006, rien de significatif ne sort des élections municipales, le positionnement étant peu clair. Syriza, allié en 2007 au mouvement communiste KOE, dépasse les 5% aux élections législatives et obtient 14 sièges, principalement dans les grandes villes. La jeunesse se rallie de plus en plus après 2008 à Syriza qui a soutenu les manifestations faisant suite à la mort d’un adolescent de 15 ans tué par un policier.
On arrive en 2010, année où se met en place le ‘’soutien’’ (sic) de l’Europe à la Grèce. « En échange de grands sacrifices », comme l’a titré La Tribune du 3 mai 2010. Un mémorandum est signé entre la Troïka et la Grèce. « Je l’ai signé sans le lire », avouera le ministre du développement Michalis Chryssochoïdis. Une espèce de Michel Sapin grec.
Puis la situation s’accélère en même temps qu’elle se dégrade.
Syriza devient en 2012 la première force de gauche aux élections législatives anticipées. Une force à la fois contestataire et constructive, proposant des solutions alternatives. Mais la droite fait alliance avec le Pasok et la gauche démocrate pour continuer de complaire au programme de la Troïka.
Arrive les élections législatives de 2015. Syriza, après avoir fait un travail de pédagogie politique, l’emporte avec un programme anti-austérité. Alexis Tsipras est nommé Premier ministre.
Où en est Syriza aujourd’hui ?
Un pays comme la Grèce peut-il être souverain ?
Sur la souveraineté de la Grèce, comme de tout autre pays en Europe aujourd’hui, force est de reconnaître que le dogme européen de l’austérité pèse, avant toute velléité nationale. Dans des termes certes différents, les Institutions, nouveau nom de la Troïka, s’adressent de la même façon à Tsipras et à Valls.
Ce qui nous permets de lire dans La tribune du 24 mars : « Ce qui importe pour Berlin comme pour Bruxelles, c’est avant tout de dissimuler cette stratégie du « nœud coulant » où l’on laisse le patient grec s’asphyxier de plus en plus jusqu’à ce qu’il accorde tout ce qu’on lui demande ».
Et dans La Croix du 26 janvier : « Il est évident que la France doit redoubler d’efforts, que ce soit au niveau des réformes budgétaires ou des réformes structurelles », a déclaré mercredi 25 février au soir le vice-président de la Commission européenne chargé de l’euro, Valdis Dombrovskis ».
Sauf que les grecs ont choisi, nous dit Vangelis Goulas, de décider de leur avenir et parlent plus fort. En maintenant un plan anti-austérité et humanitaire, notamment.
Un risque existe, c’est certain. Car l’oligarchie européenne, représentée par Mario Draghi, ancien Président pour l’Europe de Goldman-Sachs et Président de la BCE, a pour principal objectif, non pas de sauver la Grèce mais de préserver les intérêts des banques. Ce qui a été fait une fois déjà, en repassant des banques aux Etats une partie de la dette grecque.
Mario Draghi qui n’hésite pas aussi à demander aux banques grecques de ne plus acheter de bons du trésor grec, histoire de faire plier à Athènes ceux qui pourraient être un mauvais exemple de démocratie en Europe, montre le coté inhumain de ceux qui servent la finance avant tout. Peu lui importe la conséquence de ses décisions sur le peuple grec.
Vangelis Goulas nous apprend au passage que la Grèce se retrouve à devoir gérer, vu la situation internationale perturbée à l’Est et au Moyen Orient, un flux migratoire clandestin important, comme doit le faire aussi l’Italie. Une question que l’Europe, grande pourvoyeuse de leçons aux pays du sud, refuse de mettre à son ordre du jour.
Podemos. Ganemos. Mouvement des Indignados.
Espagne. Ce n’est pas une crise, c’est une arnaque.
En Espagne, la situation a priori n’est pas la même qu’en Grèce, mais a eu les mêmes conséquences dramatiques pour la population.
Le pays était donné en exemple la veille encore de la crise de 2008, ce qui n’a pas empêché la bulle immobilière, soutenue activement par les banques, de s’écrouler. De grands projets, toujours liés à une corruption importante des élus, ont été stoppés net. Les banques ont donc du être sauvées. Car ici comme ailleurs, « il faut sauver le système ». Qui profite, ici comme ailleurs, à la seule oligarchie financière et politique.
Le déficit public explose. Un plan d’austérité est mis en place par la gauche au pouvoir. Les expulsions se multiplient. Le chômage monte à 25%. Celui des moins de 25 ans explose à 50%. En 2011 la droite remporte les élections.
Les espagnols ont calculé que 168,4 milliards leur avaient été volés sous les gouvernements successifs, en fraude fiscale, (80 milliards), pour être donnés aux banques (36 milliards), à l’église (10 milliards), en intérêts de la dette (39 milliards), etc. Alors que le budget de la santé en 2013 était de 3,8 milliards, celui de l’éducation de 1,9 milliards, celui de l’emploi de 26 milliards.
C’est sur ce terrain qu’est né le grand mouvement des indignés espagnol, (Los Indignados, émules ibériques de Stephane Hessel), appelé aussi M15, qui occupe durant plusieurs semaines la Puerta des Sol, à Madrid en 2011. Mouvement assembléiste, non violent, fortement démultiplié dans les autres régions.
Ruben Borlado, membre du M15 et de Ganemos, un mouvement de transformation sociale, nous en a retracé l’histoire. Une histoire qui s’arrête sans avoir pu, et sans avoir voulu, mettre en place un relai politique, mais qui se prolonge depuis, de manière très vivante, de différentes façons. Ce qu’illustre le propos de Ruben, qui nous dit ne parler au nom de personne, mais en son nom propre, comme un activiste social.
C’est ainsi que se sont développées une multitude de mouvements locaux, s’impliquant, sous divers noms, en réseaux, socialement, dans la défense des expulsés, dans l’organisation de marches, dans des élections municipales.
Comme Ganemos le tente à Zaragoza et dans quelques autres villes. Comme le fait de son coté Podemos, qui ne se présente pas toujours sous son drapeau mais sous celui de mouvements associatifs.
Podemos.
C’est en janvier 2014 qu’est créé Podemos, avec pour objectif de donner un débouché politique aux mouvements nés du M15 de la Puerta Del sol. Ses initiateurs appartiennent à la frange intellectuelle espagnole, issus pour partie de l’université, dont quelques professeurs d’économie et de sciences politiques.
Première tentative, première réussite, à l’occasion des élections européennes. Podemos dépasse les 10% des voix dans certaines régions d’Espagne, et obtient, avec une moyenne nationale de 8%, 5 élus au Parlement de Strasbourg. Un coup de canon dans la politique espagnole et dans les autres pays d’Europe.
Marco Albert, de Podemos, nous a montré qu’il n’y avait pas de réponses simple à une situation au départ hétérogène, et donc complexe à gérer, celle des Indignados du 15 mai. C’est pourquoi, outre les ingrédients dégagés plus haut par Eric Alt, il faut bien comprendre que le succès de Podemos vient d’un mélange subtil, et qui n’a pas convenu à tous, de pratiques encore idéalistes, comme un financement participatif, et de pratiques organisationnelles jugées indispensables pour lutter sur le front des élections.
Il y a eu lutte entre tendance mouvementiste et tendance organisationnelle, cette dernière étant portée par le jeune et déjà célèbre Pablo Iglesias, qui l’a emporté. Sa tendance juge que le passage par l’Etat est indispensable pour une transformation sociale. Laquelle passe par une lutte prioritaire contre la corruption qui éclabousse largement à droite comme à gauche. (1700 dossiers sont en cours d’instruction), et par une bataille culturelle, d’accord en tous points avec notre ami le juge sicilien Scarpinato.
Réseaux, communication, mobilité intellectuelle.
Parmi d’autres éléments ayant contribué au succès de Podemos, il faut citer :
Tout d’abord son positionnement au dessus du clivage droite gauche, pour le remplacer par un clivage ‘’gens d’en haut’’ ‘’gens d’en bas’’.
Puis ensuite, la bataille de la communication menée par Pablo Iglesias, dans sa propre émission de débats sur une chaine locale madrilène universitaire ‘’La Tuerka’’, ce qui lui a ouvert un accès aux autres chaines.
Et c’est certainement aussi son travail en réseau avec des centaines de clubs locaux, associations, mouvements participatifs, dont les importants mouvements des « Marées sociales », organisées sur les thèmes de la santé, du système éducatif, des personnes expulsées, des retraités précarisés, de la défense de l’eau comme ressource publique, qui lui assure un lien permanent avec ce qui bouge au niveau des citoyens.
Enfin, il faut reconnaître à Pablo Iglesias des facilités de communication lui permettant de se réapproprier dans l’actualité les thèmes sensibles, au point d’être traité par certains de populiste.
Ce qui n’est plus une injure lorsque cela vient de ceux dont la politique consiste à entretenir chez les citoyens les reflexes conditionnés de la peur. Peur de perdre son emploi, peur de perdre son logement, peur de la précarité, peur de se faire remarquer, peur de l’autre, voisin ou émigré. Des reflexes créés par ce que Naomi Klein a appelé « La stratégie du choc ».
Information additionnelle.
Eric Alt a donné la parole en fin de réunion à Sophie Wahnich, venue présenter l’association française « Interdemos : De peuple à peuple », une initiative visant à collecter des fonds pour manifester la solidarité des peuples français et européens avec la Grèce dans le moment critique vécu par ce pays.
Cercle Podemos Paris.
http://podemosparis.com/blog/
http://podemosparis.com/quienes-somos/que-es-un-circulo-podemos/
Syriza à Paris
http://syriza-fr.org
Nouvelle Donne