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Ces intellos, gardiens des traditions (Africa)
un article par Serge Mathias Tomondji, Notre Afrik
La réclamation des chefs pour un statut juridique
clair dans l’enceinte de l’Union africaine, vient
aussi pour réaffirmer, sans doute, le rôle
éminemment politique joué de tout temps par les
têtes couronnées dans nos sociétés en pleine
mutation.
Les chefs traditionnels veulent un statut clair - Crédits: Archives de Fratmat
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L’Afrique est à la croisée des chemins, prise à la
gorge par des crises multiples et multiformes.
Pendant ce temps, dans nos sociétés en pleine
mutation et en quête de repères, les têtes
couronnées, obligées de composer avec l’ouverture
accélérée sur le modernisme, réclament une
présence institutionnelle plus forte dans les
instances internationales…
Août 2012. La ville béninoise de Savalou, située à
quelques 250 kilomètres au nord de Cotonou, la
capitale économique, abrite un regroupement
inhabituel. Une sorte de conférence au sommet des
rois et chefs traditionnels d’Afrique, convoquée
par Tossoh Gbaguidi XIII, roi de ladite localité.
Au menu de ces échanges royaux qui auront duré
deux jours, «l’approche sociologique, historique
et moderne de la paix, du développement, de
prévention et de résolution des conflits en
Afrique». Mais aussi «les fondements endogènes de
la culture de paix et la sauvegarde des libertés
démocratiques pour un développement harmonieux et
durable du continent africain». Ici, les têtes
couronnées se sont penchées sur les «limites et
instruments juridiques en matière de prévention et
de règlement des conflits pré et post électoraux».
Cependant, au-delà de ces questions cruciales, ce
forum a débouché sur une demande claire: un statut
juridique et notamment le vote, par l’Union
africaine (UA), d’une convention sur le rôle et la
place des rois et chefs traditionnels au sein des
institutions de l’Etat. «Nous voulons que les rois
soient désormais impliqués dans les décisions de
l’UA. Nous voulons œuvrer inlassablement pour que
les rois aient au moins le poste d’observateurs»,
avait alors déclaré l’initiateur du forum, Tossoh
Gbaguidi XIII, devant les quelques soixante-dix
personnalités de différents pays africains qui ont
répondu à son invitation.
Cette demande tombe à un moment où le continent
est à la croisée des chemins, prise à la gorge par
des crises multiples et multiformes, et pour
lesquelles les gardiens des traditions ancestrales
souhaitent bien jouer leur partition. Le Mali, la
Guinée-Bissau, la République centrafricaine, la
République démocratique du Congo… nous rappellent
en effet avec insistance à cette cuisante
actualité.
Mais la réclamation des chefs pour un statut
juridique clair, afin que la chefferie soit un
interlocuteur valable dans l’enceinte de l’Union
africaine, vient aussi pour réaffirmer, sans
doute, le rôle éminemment politique joué de tout
temps par les têtes couronnées dans nos sociétés
en pleine mutation. «Je pense que la démarche des
chefs ne manque pas de bon sens. Il nous faut
l’examiner en toute intelligence et remettre dans
notre gouvernance une part de spiritualité et de
culturalité africaines», estime Albert Ouédraogo,
professeur de lettres à l’Université de
Ouagadougou et spécialiste en littérature orale
africaine.
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DISCUSSION
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De fait, dans leurs rapports avec les sociétés actuelles, les rois et chefs traditionnels ont perdu un peu de ce côté mystique et secret, cette part d’inconnu et de méconnaissance des «choses de la ville» qui jadis avait tendance à les tenir à l’écart de la gestion de nos pays. Replacés au centre du jeu politique grâce à leur émancipation intellectuelle qui faisait tant défaut à leurs vénérables prédécesseurs, mais aussi en raison de leur grande capacité de mobilisation des foules, les rois et chefs d’aujourd’hui en imposent parfois par leur savoir et leur modernisme. Intellectuels accomplis, ils sont, pour nombre d’entre eux, très branchés sur les Technologies de l’information et de la communication (Tic) et ont su s’adapter à l’air du temps: téléphones portables, réseaux sociaux, informatique… le grand jeu quoi!
Mieux, les têtes couronnées d’aujourd’hui savent tenir une discussion soutenue sur pas mal de sujets dont ils sont par ailleurs de redoutables experts, ayant eu la chance de conclure une scolarité riche et d’obtenir des diplômes valorisants. On retrouve ainsi beaucoup d’entre eux - cadres de haut niveau, opérateurs économiques ou députés - dans divers secteurs de l’administration. Ainsi en est-il par exemple de Modeste Yaméogo, responsable de l’information et de la communication dans une grande institution internationale au moment où il est intronisé, en 2004, chef d’Issouka, dans la ville de Koudougou à une centaine de kilomètres de Ouagadougou.
Devenu chef par héritage, ce féru du Net ne s’est pas fait prier pour créer un bulletin électronique pour la localité de 35 000 âmes sur laquelle il règne sous le surnom de «Naaba Saaga 1er», et qu’il envoie par mail à des milliers d’amis. Toujours au Burkina Faso, on peut également reconnaître les mérites de… Victor Tiendrébéogo – «Larlé Naaba Tigré» pour ses sujets -, devenu aujourd’hui «capitaine d’industrie, porte-fanion des producteurs de jatropha et du biocarburant» au pays des Hommes intègres.
Mais ce chef-là, par ailleurs ministre de la guerre du Mogho Naaba, dont on ne compte plus les initiatives en faveur d’un syncrétisme de bon aloi entre tradition et modernité, est aussi un abonné de la scène politique nationale, député du parti au pouvoir depuis 1992. Comme de nombreux autres sur le continent, qui s’expriment de plus en plus dans le débat politique national. On peut dès lors se demander si le pouvoir traditionnel, d’essence monarchique, et le pouvoir politique institutionnel, appelé à se renouveler à échéances régulières dans les urnes selon l’organisation du monde moderne, peuvent vraiment cohabiter.
Albert Ouédraogo pense que oui. . ... continuation.
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