. . DEVELOPPEMENT DURABLE . .
Un article de AVSF, Agronomes & Vétérinaires Sans Frontières
Le 6 mai 2019, dans son rapport sur la biodiversité, l’IPBES [La Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques] alertait sur la menace d’extinction de près de 1 million d’espèces animales et végétales à court terme. L’agriculture et l’élevage industriels sont en partie responsables de ce désastre. L’agroécologie et l’agriculture paysanne représentent une alternative urgente pour préserver la biodiversité.
En 2017, nous alertions lors de notre campagne de l’érosion inquiétante de la biodiversité agricole : 75% des variétés comestibles ont disparu en 100 ans (FAO). L’essentiel de l’alimentation humaine repose uniquement sur 12 espèces végétales et 14 espèces animales ! Au cours des 10 dernières années, au moins une race animale domestique a disparu chaque mois (et ses caractéristiques génétiques avec elle), et 20% des races bovines, caprines, porcines, équines et avicoles du monde risquent actuellement l’extinction. En cause: la promotion d’une agriculture productiviste à haut investissement de capital et d’intrants de synthèse, en recherche de très hauts rendements à court terme. Or l’agroécologie en conditions d’agricultures paysannes s’avère une solution : elle s’appuie sur la biodiversité agricole, la valorise tout en la protégeant, et ce faisant contribue au maintien de de la biodiversité dans son ensemble.
La biodiversité agricole est une partie de la biodiversité qui, au travers de la production agricole, contribue à l’alimentation des populations de même qu’à la préservation des écosystèmes. Elle est particulièrement importante pour maintenir la productivité et la résilience des systèmes de culture et d’élevage dans des environnements précaires et vulnérables. C’est cette grande diversité d’espèces végétales et de races animales adaptées au milieu local qui garantit en effet la survie de nombre de paysans d’Afrique, d’Asie ou d’Amérique Latine dans leurs fermes et sur leurs terroirs, même dans des conditions climatiques difficiles et sur des sols fragiles.
Dans les pays du Sud, les initiatives se multiplient depuis quelques années, pour revaloriser les espèces locales et préserver durablement la biodiversité agricole. Ces initiatives, souvent développées à l’échelle des exploitations familiales, ont mis en lumière la relation étroite qui existe entre sécurité alimentaire et biodiversité.
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Deux projets qui préservent la biodiversité agricole
Au Nord d’Haïti, des petits producteurs transforment du cacao de qualité, issu de variétés anciennes, criollo et trinitario, typiques des Caraïbes. Réputées pour leur finesse et leurs arômes puissants, ces fèves sont principalement destinées à la chocolaterie haut de gamme, à l’instar du criollo qui ne représente que 5% de la production mondiale, et s’avère donc une variété recherchée. Bien que les chocolatiers soient fortement demandeurs, ces fèves étaient jusqu’à présent mal valorisées sur le marché mondial. Pourquoi ? Parce que ces fèves haïtiennes n’étaient pas fermentées, une étape primordiale qui libère les “précurseurs” d’arômes. AVSF a donc formé les producteurs des coopératives paysannes FECCANO aux techniques de fermentation de ces variétés anciennes. Plusieurs centres de fermentation, de collecte et de conditionnement ont été installés pour les producteurs des 8 coopératives. Un cacao aujourd’hui très fortement rémunéré sur les marchés bio, équitable et de qualité en Europe, au bénéfice tant des producteurs que de la biodiversité : cultivé au coeur de jardins boisés en association avec de nombreux bois d’ombrage et fruitiers et autres cultures, le cacao joue un rôle important non seulement dans la sécurité alimentaire, mais aussi pour le maintien de la fertilité et de la biodiversité en général.
Partout en Afrique de l’Ouest, l’élevage paysan est quant à lui caractérisé par la diversité de races de bétails qu’il valorise. Ces races ont su développer des capacités d’adaptation exceptionnelles qui ont valu leur durabilité, de même que des résistances à certaines maladies parasitaires, comme la trypanosomiase, transmise par la mouche tsé-tsé et endémique dans toute la région. Or de nos jours, cette durabilité est menacée par l’érosion inquiétante de la diversité des races locales, de plus en plus évincées par des races introduites pour leur plus forte productivité en lait et viande.
Au Sénégal, AVSF soutient des organisations d’éleveurs pour mieux valoriser le bétail ruminant endémique (la race Ndama par exemple) et démontrer sa compétitivité tant sur les marchés que pour la résilience des populations face à des chocs climatiques ou économiques. Race de petit format, possédant une bonne fécondité, sa vitesse de croissance et sa conformation satisfaisantes lui confèrent des qualités bouchères indéniables. Cette valorisation se fait à travers l’organisation de concours, d’expositions et de foires spécifiques à ces espèces et races.
À travers ses nombreux projets AVSF agit auprès des paysans du Sud depuis 40 ans pour préserver et reconquérir la biodiversité cultivée et animale et assurer ainsi leur sécurité alimentaire ainsi que celle des populations urbaines qu’ils nourrissent.
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(Merci a Kiki Chauvin, le reporter de CPNN pour cet article.)