. . DEVELOPPEMENT DURABLE . .
Extraits de deux articles par Mauricio Alvarez dan Pressenza
Le mouvement des Gilets Jaunes prend de plus en plus d’ampleur. À quelques jours d’une quatrième grande journée de manifestation, prévue ce samedi 8 décembre 2018, les actions se multiplient partout sur le territoire français : des filtrages sur les routes, des blocages de stations-service, des opérations « péage gratuit », etc. Malgré les différentes tentatives du gouvernement pour criminaliser cette mobilisation citoyenne sans précédent, le mouvement est toujours approuvé par plus de 75% de la population française. Les lycéens et certains syndicats s’ajoutent peu à peu à la mobilisation, et l’éventualité d’une grève générale ou d’une possible révolution hante tous les esprits.
Texte panneau : “Baisse des taxes et impôts. On en peut plus ! L’État est un cancre pour la gestion de l’argent des français” (Image by Mauricio Alvarez)
Dans ce contexte particulier, nous souhaitons prendre un peu de recul pour tenter de comprendre l’impact de ce mouvement des Gilets Jaunes sur la Démocratie. La vraie. . . .
Dans la plupart des pays du monde, la forme de gouvernement la plus courante, c’est l’oligarchie, où le pouvoir est réservé à un petit groupe de personnes qui forment une classe dominante. En France, il existe un parcours académique tout tracé pour les futures élites. Celui-ci s’étend des lycées Henri IV et Louis Le Grand aux grandes écoles ENA et Sciences Po.
Le résultat de ce parcours en circuit fermé, c’est la profonde déconnexion entre les vies “dorées” des gouvernants et celles des citoyens qu’ils sont censés représenter.
L’influence du capitalisme sur la Démocratie
Depuis l’avènement du capitalisme au XVIIIème siècle, les gouvernements du monde entier ont étés confrontés à une forte influence des industriels et des détenteurs du capital dans leurs décisions politiques. À tel point qu’aujourd’hui, les pays sont gouvernés comme de véritables entreprises, où le volet social est de plus en plus considéré comme une « déformation » qu’il faut à tout prix éviter. La croissance, l’équilibre budgétaire, la dette, la fiscalité, etc. sont les points de référence pour concevoir des stratégies et des programmes politiques. L’humain et la nature sont donc relayés à une place secondaire. Ils sont devenus de simples variables d’ajustement.
Reprenons les mots d’Étienne Chouard, « Depuis 200 ans, l’élection permet aux riches d’acheter le pouvoir, (et donc de ne plus payer d’impôts, de mener durablement une politique de chômage, de bas salaires et de gros profits) et ils appellent ça le ‘gouvernement représentatif’ ». . . .
En Marche Arrière
[En France], Emmanuel Macron a été élu en 2017 pour incarner un changement positif, et cela avec un parti qui se plaçait en dehors des clivages partisans de “droite” ou de “gauche”. Pourtant, sa politique n’a fait qu’empirer la situation économique et sociale. . . .
Au niveau des mesures, celles-ci ne peuvent pas être plus impopulaires :
– La baisse des APL (Aide personnalisée au logement)
– La suppression des contrats aidés
– La vitesse abaissée à 80 km/h sur les routes secondaires
– La réforme de la SNCF
– Transformation de l’ISF en «impôt sur la fortune immobilière»
Ces différentes mesures ont peu à peu entamé la confiance des citoyens envers le gouvernement, mais la goutte qui fait déborder le vase c’est sans aucun doute le projet du gouvernement d’augmenter une fois de plus les taxes sur les carburants à partir de Janvier 2019. Cette mesure de trop est à l’origine d’un mouvement sans précédent dans l’histoire récente de la France : Les Gilets Jaunes . . . .
LES 6 ENSEIGNEMENTS POUR ENRICHIR NOTRE DÉMOCRATIE
1. Un gouvernement démocratique devrait être horizontal, non hiérarchisé
L’organisation des Gilets Jaunes est horizontale. Dès l’origine, les membres du mouvement, répartis sur tout le territoire, ont évité d’établir des rapports hiérarchiques. Ils ne parlent pas de chefs ou de représentants, et privilégient les porte-parole. Toute personne qui a essayé de s’autoproclamer « représentant des gilets jaunes », cherchant des bénéfices personnels (parfois politiques), a été rapidement rappelé à l’ordre. Pour eux, chaque citoyen a son mot à dire. Cette organisation permet d’éviter la formation d’élites, qui risqueraient à terme de tomber dans un processus d’embourgeoisement.
Cette horizontalité a été copieusement critiquée par de nombreuses structures traditionnelles (syndicats, médias, membres du gouvernement, etc.) qui estiment qu’aucun dialogue n’est possible sans têtes visibles ou représentants. Il y a un vrai malaise à faire face à une masse d’anonymes (le peuple) souhaitant faire respecter leurs droits.
Questions : Un vrai gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple aurait-t-il besoin de représentativité ? Si la réponse est positive, comment faudrait-il élire les éventuels représentants du peuple ?
(Voir suite sur colonne de droite. . . )
( Clickez ici pour une version anglaise .)
What is the future of the Gilets Jaunes movement?
(. . . suite)
2. Une démocratie devrait fonctionner de façon décentralisée et s’articuler autour de centres de décision de petite taille
Depuis le début du mouvement, les Gilets Jaunes se sont manifestés dans l’ensemble du territoire français. Organisés dans de petits groupements, ils décident, au fur et à mesure, et de façon autonome, des opérations à mettre en place localement : filtrages sur les routes, blocages des stations-service, opérations « péage gratuit », etc.
Ce mode d’organisation et de gouvernance a permis rapidement de recréer des liens, de renforcer la solidarité locale, et de nourrir l’engagement politique des citoyens sur tout le territoire.
Questions : Quelle est l’échelle de référence de la démocratie ? Celle qui permettrait aux citoyens de se sentir acteurs et responsables du système ?
3. Dans une démocratie on devrait avoir la possibilité de révoquer le mandat d’un élu, si sa gestion est jugée non satisfaisante
Dans la rue et dans les médias, les Gilets Jaunes ne cessent de demander la démission immédiate du président de la République Emmanuel Macron. Insatisfaits et affectés directement par les mesures engagées depuis le début du quinquennat, ils souhaiteraient avoir la possibilité de révoquer son mandat à tout moment.
Certains considèrent qu’aucun pouvoir ne devrait rester longtemps dans les mêmes mains : ni parlementaire, ni gouvernemental, ni judiciaire, ni médiatique.
Questions : Est-il nécessaire dans une démocratie d’avoir un président de la République ? Ou le rôle du premier ministre suffirait-il pour faire exécuter les lois et les décisions prises par le parlement et les élus locaux ? Quelles seraient les conditions pour révoquer le mandat d’un élu avant son terme ?
4. L’Exécutif ne doit pas être en charge à la fois de l’élaboration, du vote et de l’exécution des lois
Depuis les élections présidentielles et législatives, le parti LREM du président de la République a toujours disposé à l’Assemblée nationale d’une majorité absolue ou relative. Cela veut dire que les rôles législatifs et exécutifs sont concentrés. Nous sommes donc face à un pouvoir « absolu ».
Le ras-le-bol des Gilets Jaunes est dû en partie à la violence des mesures prises par le gouvernement dans un temps record. À des lois impopulaires, rédigées, votées et exécutées sans contrainte majeure, car l’opposition est sous représentée.
Idéalement, les pouvoirs doivent être séparés pour être affaiblis. Le pouvoir devrait travailler sous le contrôle permanent des citoyens qui sont toujours l’arbitre ultime. La confusion des pouvoirs, comme le pouvoir sans contrôle citoyen, rendent légitime l’insurrection populaire (*).
Question : Comment pourrions-nous garantir la totale séparation des pouvoirs dans notre démocratie ?
5. Dans une démocratie on devrait utiliser un langage simple, compréhensible par tous
Les Gilets Jaunes, tout comme la plupart des citoyens, s’expriment de façon simple. Leurs paroles se trouvent bien loin des discours technocratiques des élites politiques.
Ces derniers jours dans la presse, la France assiste à un dialogue de sourds. À des cris de désespoir des personnes n’arrivant plus à joindre les deux bouts, les responsables politiques répondent avec des termes techniques tels que l’équilibre budgétaire ou la dette de l’État.
Rappelons l’importance de l’empathie, de la capacité à se mettre à la place de l’autre afin de créer des rapports et des dialogues constructifs. Les parties, ne se sentant pas écoutées et comprises, finissent par développer un climat de méfiance et de haine, qui aboutit souvent à des manifestations violentes. C’est effectivement ce qui se passe en ce moment en France. Le gouvernement répond aux demandes des citoyens avec des mesures hautement sécuritaires. De leur côté, les citoyens n’ayant pas d’autres moyens de se faire entendre, recourent à la violence.
Question : Comment éviter le recours à la violence pour se faire entendre ?
6. L’information doit rester libre et indépendante
Le mouvement des Gilets Jaunes s’est créé et s’est développé grâce à Internet. Pour se faire entendre, s’organiser et se rassembler les citoyens se sont servis d’outils informatiques, qui leur permettent de garder la main sur l’information.
Face à une mobilisation d’une dimension sans précédent, les médias traditionnels se sont très rapidement emparés de ce sujet, devenant un relai clé pour informer l’ensemble de la population.
Les Gilets Jaunes, les citoyens non mobilisés, les forces économiques et politiques ont eu la possibilité de s’exprimer librement dans la radio, la télévision, la presse écrite, ou les médias sur Internet.
Dans une tendance mondiale vers la privatisation des médias où le contrôle de l’information est exercé par des forces économiques, l’État démocratique doit garantir l’existence de sources d’information à la fois indépendantes des pouvoirs politiques et indépendantes des forces économiques. Sont concernés par ce principe d’indépendance nécessaire, les journaux, la radio et la télévision, mais aussi les instituts de sondage et les instituts statistiques, ainsi que tout instrument existant ou à venir permettant la diffusion massive d’informations (*).
Question : Comment l’État pourrait garantir des médias d’information libres, politiquement et économiquement ?