Category Archives: DROITS DE L’HOMME

Amnesty International:  Incarcéré depuis cinq ans au Royaume-Uni : la situation de Julian Assange est inacceptable

DROITS DE L’HOMME .

Un article de Amnesty International

Aujourd’hui, cela fait cinq ans que Julian Assange est détenu à Belmarsh, une prison de haute sécurité au Royaume-Uni. Alors qu’il s’oppose à la demande d’extradition déposée par les autorités américaines, Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International, a déclaré :

« Julian Assange a osé mettre en lumière des révélations sur des crimes de guerre présumés commis par les États-Unis. Il est inacceptable que des années de sa vie lui aient été volées. Il est toujours maintenu en détention arbitraire au Royaume-Uni pour des accusations motivées par des considérations politiques, portées à son encontre par les États-Unis pour avoir exposé au grand jour les actes répréhensibles qu’ils auraient commis. Les autorités américaines n’ont pas mené d’enquête exhaustive et transparente sur leurs crimes de guerre présumés. Elles ont préféré s’en prendre à Julian Assange parce qu’il a publié des informations qui lui avaient été divulguées – alors qu’elles étaient d’intérêt public. La persécution qu’il subit tourne en dérision les obligations incombant aux États-Unis au titre du droit international et leur engagement affiché envers la liberté d’expression.


(Cliquez ici pour une version espagnole de cet article, ou ici pour une version anglaise.)

Question(s) related to this article:
 
Julian Assange, Is he a hero for the culture of peace?

Is Internet freedom a basic human right?

« S’il est extradé aux États-Unis, Julian Assange risque fortement de subir des violations, notamment une détention à l’isolement prolongée, en violation de l’interdiction de la torture et d’autres mauvais traitements. Les assurances diplomatiques douteuses données par les États-Unis quant au traitement qui lui sera réservé n’ont absolument aucune valeur, d’autant qu’elles ne sont pas juridiquement contraignantes et sont criblées de lacunes.

« Julian Assange est recherché en raison d’activités fondamentales pour tous les journalistes et éditeurs, qui reçoivent souvent des informations sensibles pour le gouvernement de sources extérieures. Wikileaks a publié des éléments de preuve pointant des victimes civiles et des crimes de guerre présumés. La population a le droit de savoir si son gouvernement enfreint le droit international.

`Les autorités américaines ouvrent la voie à un désastreux précédent pour la liberté de la presse dans le monde si Julian Assange est extradé. Elles doivent abandonner toutes les accusations retenues contre lui, ce qui permettra aux autorités britanniques de le libérer sans plus attendre. »

Complément d’information

Julian Assange risque d’être jugé aux États-Unis au titre de la Loi relative à l’espionnage de 1917, une loi datant d’une période de guerre qui n’a jamais eu pour but de cibler le travail légitime des éditeurs et des journalistes. Il encourt jusqu’à 175 ans d’emprisonnement. Pour l’accusation d’utilisation abusive d’un ordinateur, il pourrait se voir infliger une peine maximale de cinq ans.

Le 26 mars, la Haute Cour du Royaume-Uni a reporté  l’audience pour permettre aux États-Unis de déposer de nouvelles assurances diplomatiques. La cour va réexaminer l’autorisation demandée par Julian Assange de faire appel de son extradition vers les États-Unis le 20 mai.

– – – – – –

Si vous souhaitez faire un commentaire sur cet article, vous pouvez écrire à coordinator@cpnn-world.org avec le titre “Commentaire sur (nom de l’article)” et nous mettrons votre commentaire en ligne. En raison du flot de spams, nous avons arrêté l’application directe des commentaires.

La Cour internationale de justice va examiner 57 ans d’occupation israélienne

DROITS DE L’HOMME .

Un article de Human Rights Watch

Un grand nombre de pays et d’organisations internationales participeront aux audiences de la Cour internationale de Justice  (CIJ) sur l’occupation israélienne qui débuteront  le 19 février 2024, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui (16 fevrier). Cinquante-deux pays et trois organisations internationales participeront à la procédure orale, soit plus que dans toute autre affaire portée devant la CIJ – la plus haute juridiction du monde – depuis sa création en 1946.


La large participation aux audiences et les nombreuses communications écrites reflètent une dynamique mondiale croissante pour remédier à l’échec, depuis plusieurs décennies, à garantir le respect du droit international dans le Territoire palestinien occupé.
« La Cour internationale de Justice est appelée pour la première fois à examiner largement les conséquences juridiques de près de six décennies d’occupation et de mauvais traitements infligés par Israël au peuple palestinien », a déclaré Clive Baldwin, conseiller juridique senior à Human Rights Watch. « Les gouvernements qui présenteront leurs arguments devant la Cour devraient profiter de ces audiences historiques pour mettre en lumière les graves abus que les autorités israéliennes commettent contre les Palestiniens, y compris les crimes contre l’humanité que sont l’apartheid et la persécution. »

La procédure orale fait suite à une requête pour un avis consultatif  transmise par l’Assemblée générale des Nations Unies à la Cour en décembre 2022, au sujet des « conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d’Israël dans le Territoire palestinien occupé ». La Cour aura l’occasion d’aborder la question de l’occupation qui perdure, d’examiner les pratiques et politiques d’Israël violant l’interdiction internationale de la discrimination raciale et constituant les crimes contre l’humanité d’apartheid et de persécution, et d’évaluer les responsabilités juridiques des autres pays et de l’ONU pour répondre aux violations du droit international découlant de l’occupation.

Bien que les avis consultatifs de la CIJ ne soient pas contraignants, ils sont souvent dotés d’une importante autorité morale et juridique, et peuvent, à terme, faire partie du droit international coutumier, qui est juridiquement contraignant pour les États.

Cette procédure, qui durera six jours, est distincte de l’affaire portée par l’Afrique du Sud  devant la CIJ, alléguant qu’Israël viole la Convention sur le génocide  dans le contexte des hostilités entre les forces israéliennes et les groupes armés palestiniens qui ont éclaté après les attaques menées par le Hamas le 7 octobre 2023.

En décembre 2003, l’Assemblée générale de l’ONU avait demandé  pour la première fois à la CIJ un avis consultatif concernant le Territoire palestinien occupé, au sujet de l’édification par Israël d’un mur dans ce territoire. En juillet 2004, la CIJ avait publié un avis consultatif  qui concluait que le tracé de ce mur de séparation violait le droit international, et appelait à son démantèlement.

(Cliquez ici pour une version anglaise de cet article.)

Question(s) related to this article:
 
How can war crimes be documented, stopped, punished and prevented?

Presenting the Palestinian side of the Middle East, Is it important for a culture of peace?

La demande adressée au tribunal en décembre 2022  a une portée plus large. L’Assemblée générale a demandé à la Cour de donner son avis sur les « conséquences juridiques de la violation persistante par Israël du droit du peuple palestinien à l’autodétermination, de son occupation, de sa colonisation et de son annexion prolongées » du Territoire palestinien occupé, ainsi que de l’adoption par Israël de « lois et de mesures discriminatoires connexes ». L’Assemblée générale a également demandé à la CIJ d’émettre un avis sur les « conséquences juridiques qui en découlent pour tous les États et l’Organisation des Nations Unies ».

Cette nouvelle demande donne à la Cour l’occasion de réévaluer la situation du Territoire palestinien occupé, deux décennies après son dernier avis consultatif à ce sujet, et de fournir des orientations juridiques dans le cadre du droit international humanitaire et du droit relatif aux droits humains. La Cour pourrait notamment évaluer les actions d’Israël au regard du droit international des droits humains, qui interdit la discrimination raciale, et au regard du droit pénal international, qui interdit les crimes contre l’humanité que sont l’apartheid et la persécution.

La CIJ tranche les différends entre États et émet des avis consultatifs sur le droit international. Cependant, la Cour n’a pas compétence sur la conduite de groupes armés non étatiques comme le Hamas. En revanche, la Cour pénale internationale (CPI) traite des crimes internationaux graves présumés commis par des individus, notamment par des membres de groupes armés. Le Procureur de la CPI a confirmé  que depuis mars 2021, son bureau mène une enquête  sur les atrocités présumées commises à Gaza et en Cisjordanie depuis 2014, et que la CPI est compétente a l’égard des crimes internationaux commis par toutes les parties aux hostilités actuelles entre Israël et les groupes armés palestiniens.

Human Rights Watch a précédemment conclu que les autorités israéliennes commettent les crimes contre l’humanité d’apartheid et de persécution  contre les Palestiniens. Étant donné que les responsabilités d’une puissance occupante à l’égard des droits de la population occupée augmentent avec le temps, Human Rights Watch a également appelé Israël à accorder aux Palestiniens vivant dans les territoires occupés des droits  au moins égaux à ceux qu’Israël accorde à ses propres citoyens, en plus des protections du droit international humanitaire.

La CIJ est composée  de 15 juges élus par l’Assemblée générale des Nations Unies et par le Conseil de sécurité, pour un mandat de neuf ans. En juillet 2023, avant l’escalade des hostilités en octobre, 57 « exposés écrits »  avaient déjà été déposés par divers États et organisations internationales dans le cadre de la procédure. En octobre et novembre 2023, 15 autres États et organisations internationales ont déposé des observations écrites supplémentaires. Parmi les États et entités qui participeront à la procédure orale figurent la Palestine, l’Afrique du Sud, la Belgique, le Brésil, la Chine, les États-Unis, la France, l’Indonésie, la Namibie, le Pakistan, le Royaume-Uni, la Russie, la Suisse et l’Union africaine. Israël a soumis une déclaration écrite, mais a choisi de ne pas participer aux audiences.

La CIJ émettra son avis juridique ultérieurement, à une date qui n’a pas encore été déterminée. Compte tenu des précédentes pratiques de la Cour, il peut être supposé qu’elle émettra son avis avant la fin de l’année 2024.

L’ONU invitée à Soumettre son Appel à un « Cessez le Feu Immédiat à Gaza » pour la Signature du Soutien des Peuples du Monde

DROITS DE L’HOMME .

Une lettre de Mouvement de la Paix

Monsieur le Secrétaire général des Nations Unies,

En tant qu’ONG membre de la commission ECOSOC des Nations Unies, nous avons participé début novembre, à Genève à l’ONU, à la réunion organisée par le Secrétaire général adjoint de l’ONU chargé des affaires politiques ; Monsieur Ryder. Nous avons apporté notre soutien à l’action des Nations Unies pour la résolution politique des conflits actuels et dans le cadre de la préparation du plan Avenir 2024 des Nations Unies.

Nous avons, lors de cette réunion, suggéré que l’ONU, au nom des Nations Unies et au nom de « Nous les peuples », prenne une initiative permettant aux peuples du monde entier, révulsés tant par les massacres commis par le Hamas le 7 octobre 2023 que par le carnage commis actuellement par le gouvernement israélien à Gaza dont sont victimes les populations civiles, d’exiger du gouvernement israélien qu’il cesse immédiatement les bombardements sur les populations civiles.


Si nous avons condamné les massacres commis par le Hamas le 7 octobre 2023 ce n’est pas pour accepter que le gouvernement d’Israël commette actuellement, avec les moyens d’un Etat, un carnage qui frappe des populations civiles.

(Cliquez ici pour une version espagnole de cet article, ou ici pour une version anglaise.)

Question(s) related to this article:
 
How can war crimes be documented, stopped, punished and prevented?

Nous avons apporté notre soutien aux familles de toutes les victimes qu’elles soient israéliennes ou palestiniennes et c’est au nom de notre Humanité commune que nous nous permettons de formuler une proposition auprès de l’ONU et de son Secrétaire général.

Face à une situation aussi inédite que monstrueuse et dangereuse, il faut prendre des décisions permettant à l’opinion publique, à « Nous les peuples », d’apporter notre soutien à l’exigence formulée par l’ONU d’un arrêt immédiat des bombardements sur Gaza et d’une aide humanitaire d’urgence.

Nous proposons que l’ONU soumette, avec les moyens et les formes adaptées, à signature de soutien par les peuples au plan mondial, son appel « à un cessez le feu immédiat à Gaza » : que cessent les bombardements dont sont victimes des milliers de femmes et d’enfants, que soit mise en œuvre immédiatement une aide humanitaire permanente pour répondre aux souffrances intolérables subies par les populations et faire face à une crise alimentaire et humanitaire catastrophique.

Cet appel à soutien pourrait être lancé par les moyens et avec les mots appropriés, dans toutes les langues possibles. A quelques jours de la Journée internationale des droits de l’homme ce serait une manière de « proclamer à nouveau notre foi dans les droits fondamentaux de l’homme dans la dignité et la valeur de la personne humaine » comme le proclame le préambule de la Charte des Nations Unies.

Par la même occasion, nous exprimons notre soutien à l’action des Nations Unies pour la construction d’un monde de Paix.

Recevez, Monsieur le Secrétaire général, l’expression de nos salutations respectueuses.

Pour Le Mouvement de la Paix

Roland NIVET, Porte-parole national du Mouvement de la Paix

Paris, le vendredi 8 décembre 2023

Les syndicalistes autochtones réclament plus d’inclusion et de solidarité : « Nous ne sommes pas là juste pour entonner des chants et réciter des prières »

DROITS DE L’HOMME .

Un article de Equal Times (publié sous Creative Commons Attribution-NonCommercial 4.0 International licence)

À travers le monde, plus de 476 millions de personnes (soit 6,2 % de l’humanité) appartiennent à des peuples autochtones, coexistant presque toujours avec les sociétés qui ont colonisé leurs terres ancestrales il y a des centaines d’années. Au XXIe siècle, au terme d’un long parcours au cours duquel leur identité, leur langue ou une partie de leur culture n’ont pas toujours survécu à l’oppression coloniale, les peuples autochtones ont connu des avancées significatives dans différentes régions du monde. Toutefois, les défis qu’ils doivent relever, tels que la discrimination et le manque d’opportunités, ne leur permettent pas de s’intégrer équitablement au marché du travail. Quatre travailleurs autochtones sur cinq gagnent leur vie dans des emplois informels, tandis que les autres travaillent dans des secteurs extrêmement précaires, souvent exposés à toutes sortes d’abus et ne bénéficiant d’aucune protection sociale.

À l’occasion de la Journée internationale des peuples autochtones, instaurée par les Nations unies en 1982, et de l’appel lancé par la CSI  aux gouvernements du monde entier à signer la Convention relative aux peuples indigènes et tribaux  (C169) de l’Organisation internationale du travail (OIT) (qui, bien que lancée en 1989, n’a été ratifiée que par 24 pays), Equal Times s’est entretenu avec trois dirigeants syndicaux d’origine autochtone, issus de trois continents afin de dresser un tableau plus précis de la situation.


 Des dirigeants syndicaux maori, sami et mapuche s’entretiennent avec Equal Times. De gauche à droite : Laures Park (Nouvelle-Zélande), David Acuña (Chili) et Sissel Skoghaug (Norvège). (Equal Times/Composition by Fátima Donaire)

David Acuña Millahueique, président de la Central Unitaria de Trabajadores de Chile (CUT Chile), la principale organisation syndicale de son pays, nous parle depuis les Amériques. M. Acuña, qui devenait il y a un an le premier dirigeant d’origine mapuche à prendre la direction de cette organisation multisyndicale, participe actuellement au processus historique de création d’une nouvelle constitution pour le Chili. Dans ce cadre, la CUT s’efforce de cimenter la liberté d’association et le travail décent en tant que droits fondamentaux garantis dans un pays dont la constitution actuelle, en vigueur depuis la dictature militaire (1973-1990), ne contient pas encore de dispositions relatives aux droits du travail.

En Europe, c’est Sissel Skoghaug, vice-présidente de la Confédération syndicale norvégienne (LO) depuis dix ans et représentante du peuple sami  (également connu sous le nom de Lapons), l’ancien groupe ethnique nomade de l’Arctique, seul peuple autochtone encore présent sur le continent, qui s’entretient avec Equal Times.

En Océanie, nous avons parlé avec Laures Park, qui occupe la fonction de Matua Takawaenga (« médiateur en chef » en maori) du syndicat néo-zélandais des enseignants (NZEI Te Riu Roa), où elle intervient non seulement en tant qu’agent de liaison principal pour tout ce qui concerne les peuples indigènes de l’île, mais aussi, dans la pratique, en tant que dirigeante adjointe du syndicat en l’absence de la secrétaire nationale, ce qui constitue également tout un accomplissement symbolique pour les Maoris.

Dans votre pays, quelle est la situation actuelle des peuples autochtones en termes d’intégration ou de discrimination sur le plan social et professionnel ?

Laures Park (L.P.) : En Nouvelle-Zélande, la discrimination est toujours présente. Les problèmes sont nombreux, mais on observe aussi une forte intégration. Tout dépend des conditions socio-économiques et géographiques. Les Maoris, qui représentent environ 12 % de la population nationale, ont tendance à occuper les emplois peu rémunérés à forte intensité de main-d’œuvre. Ils occupent généralement des postes de préposés au nettoyage, d’éboueurs et de jardiniers paysagistes… ces types d’emplois. Certes, il y a aussi beaucoup de Maoris qui s’installent en ville et trouvent un emploi dans la fonction publique, mais il faut déménager pour trouver ce genre de postes. Du point de vue de la pauvreté, le taux est probablement très élevé pour les autochtones en Nouvelle-Zélande, en raison du manque d’accès à l’éducation dans leur région d’origine ainsi que du manque d’emploi.

Sissel Skoghaug (S.S.) : Le peuple sami a subi tellement d’injustices. Les autorités ont pratiquement réussi à dépouiller tout un peuple de son identité et de sa langue. Comme l’a récemment conclu la Commission Vérité et Réconciliation, ceci est également vrai pour le peuple Kvène et les Skogfinns (« Finlandais de la forêt »). [Cependant], en Norvège et dans certaines parties de la Suède, la culture samie a connu une très forte renaissance au cours des quatre dernières décennies. Les jeunes et un certain nombre de personnes de ma génération se réapproprient l’héritage perdu depuis deux ou trois générations.

David Acuña Millahueique (D.A.M.) : La situation professionnelle des personnes d’origine autochtone découle de l’intégration forcée de la société autochtone dans la société dominante des colonisateurs. Avant d’en arriver à la situation actuelle, il y a même eu des étapes d’esclavage, qui ont consisté à travailler d’abord dans des activités à revenus très faibles, en tant que travailleurs journaliers, apprentis charpentiers, maçons, boulangers, etc. Nombre de ceux qui ont migré de la campagne vers la ville exerçaient ces types de métiers, tandis que la majorité des femmes autochtones étaient employées de maison et chargées de soins. À l’heure actuelle, un pourcentage significatif des nouvelles générations a accédé à l’éducation formelle, de sorte que nous passons de travailleurs qui, par le passé, ne savaient ni lire ni écrire à ceux qui sont désormais alphabétisés, permettant ainsi des degrés de mobilité sociale minimes dans certains cas.

Qu’en est-il de la reconnaissance et du respect des cultures, des langues et des droits des peuples autochtones, et de leur intégration dans le monde du travail ?

S.S. : En Norvège, aujourd’hui, nous disposons d’un Parlement sami (Samediggi), créé en 1989. Il s’agit de l’organe représentatif du peuple sami dans le pays, qui encourage les initiatives politiques et est compétent pour un certain nombre de questions. Parallèlement, la principale langue samie est également une langue officielle en Norvège. De nombreux progrès ont été accomplis depuis que l’assimilation et la discrimination étaient encore officiellement à l’ordre du jour.

L.P. : En Nouvelle-Zélande, la situation oscille d’un extrême à l’autre. Tout un pan de la population ignore tout de la question ou n’en a cure, parce que les Maoris n’ont aucune incidence sur leur vie. Mais il y a aussi une autre partie de la population qui apprend la langue et participe aux coutumes, et qui est très impliquée dans tout ce qui se passe dans le système éducatif [où il existe un certain nombre d’écoles sélectionnées où la langue maorie est enseignée à tout le monde dès la petite enfance].

Une génération entière de Maoris parle uniquement le maori, et leur famille ne parle que le maori lorsqu’ils sortent et vivent leur vie, ce qui peut causer quelques tensions avec d’autres personnes, principalement des « blancs ». Mais à l’inverse, lorsque nous sommes au centre-ville, d’autres sont ravis d’entendre parler le maori dans la communauté. La situation varie donc. Il y a des gens qui voient cela comme : « Oh, mon Dieu, vous essayez de dissimuler quelque chose », et d’autres qui pensent que c’est tout simplement charmant de l’entendre. Nous avons une chaîne de télévision maorie et le nombre de non-Maoris qui la regarde est tout simplement incroyable. Donc, comme je l’ai dit, [la situation] varie.

D.A.M. : Au Chili, le processus d’intégration des autochtones a été fortement marqué par la discrimination sociale, mais aussi, souvent, par la discrimination au travail et la discrimination raciste, qui ont entraîné des pertes culturelles irréparables, comme la pratique de notre propre langue maternelle, en particulier pour la troisième génération [de Mapuches qui se sont installés dans les villes au milieu du XXe siècle]. Nous sommes devenus des migrants dans notre propre pays, parce que nous avons dû aller dans les villes plus développées, et avec ces processus de migration et d’intégration, nous avons tout perdu, depuis notre langue jusqu’à nos propres coutumes.

Les premières générations de migrants autochtones ont dû se conformer à un nouveau mode de vie et, bien entendu, se comporter « à la chilienne ». En fin de compte, on a fini par être « à moitié “chiliennisés” », en essayant souvent de cacher ou de déguiser ses origines mapuches, et cela s’est enraciné, au point d’éviter même d’utiliser notre propre langue et nos propres coutumes, tout cela pour tenter d’adopter les caractéristiques d’une société qui n’était pas la nôtre, afin de s’y adapter. Ce n’est qu’à partir de la quatrième génération, à laquelle j’appartiens, qu’un processus graduel d’auto-identification avec nos origines a commencé à se mettre en place. De fait, au cours des cinq ou six dernières années, le drapeau mapuche lui-même a fait l’objet d’une revendication, qui s’est manifestée en 2019 lors de l’explosion sociale, au cours de laquelle l’un des symboles les plus populaires et les plus visibles des manifestations a été ce drapeau mapuche. Il a presque causé un boom commercial, car le drapeau mapuche se vendait soudainement comme des petits pains. Cela montrait qu’une identité que nous avions perdue jusque-là était enfin remise à l’honneur.

(Cliquez ici pour une version espagnole de cet article, ou ici pour une version anglaise.)

Question(s) related to this article:
The right to form and join trade unions, Is it being respected?

Indigenous peoples, Are they the true guardians of nature?

Votre pays a-t-il ratifié la Convention de l’OIT relative aux peuples indigènes et tribaux (C169) de 1989 ? Comment a-t-elle affecté la vie des peuples autochtones actuels dans votre pays ? Quelle importance revêt la convention C169 pour votre peuple ?

S.S. : En 1990, la Norvège a été le premier pays à ratifier la convention 169 de l’OIT. Je suis fière du rôle joué par la confédération syndicale norvégienne dans la mise en œuvre de la Convention 169 de l’OIT, adoptée d’abord dans notre propre pays. Outre la Constitution et la loi sur les Samis, la Convention 169 de l’OIT est l’un des piliers de la politique norvégienne à l’égard des Samis. La Convention 169 de l’OIT est un monument à l’esprit collectif de coopération qui caractérisait la Norvège au début des années 1990. Cet esprit collectif a également permis à la population majoritaire de traverser une période difficile de chômage et de troubles financiers et politiques.

L.P. : En Nouvelle-Zélande, le gouvernement ne l’a pas ratifié. Sa justification est que nos nouvelles lois doivent se conformer à un grand nombre d’autres lois antérieures avant de pouvoir la ratifier. Pour nous, cela ne change rien. Si nous voulons faire valoir un point de vue, nous continuerons d’utiliser la C169, qui a toujours du poids. D’une certaine manière, [le fait que la Nouvelle-Zélande n’ait pas ratifié la convention C169] renforce probablement notre argument.

D.A.M. : Pour sa part, le Chili l’a ratifiée en 2008. L’État chilien a ainsi adopté une politique publique de reconnaissance des peuples autochtones et s’est engagé à mettre en place des politiques de reconnaissance et de respect à l’égard de cette composante de la société. Lorsque des politiques nationales susceptibles d’affecter les conditions sociales, culturelles, politiques et environnementales dans lesquelles évoluent les communautés autochtones sont élaborées, une consultation est toujours organisée. À ce jour, nous en sommes restés là, mais il s’agit d’une avancée importante, car cet outil permet aux communautés autochtones de s’exprimer sur les questions qui auront un impact direct sur elles, ce qui n’était pas le cas auparavant.

Pourquoi avez-vous adhéré à un syndicat, quelles difficultés avez-vous rencontrées dans votre environnement de travail et dans les syndicats eux-mêmes, simplement en raison de votre appartenance à une communauté autochtone ?

L.P. : J’y ai adhéré lorsque j’étais enseignante. Il y a de nombreuses années, nous avons discuté de la manière d’encourager les Maoris à s’intéresser aux syndicats. C’est à ce moment-là que le mouvement est devenu beaucoup plus pertinent pour moi. Et depuis lors, c’est ce qui m’a poussé à faire en sorte que les syndicats travaillent pour les Maoris.

Nous avons un dicton, donné par un très ancien tipuna [ancêtre], qui dit qu’« il n’y a qu’un seul chas d’aiguille par lequel tous les fils doivent passer : le blanc, le rouge, le noir. » Pour notre syndicat, ce sentiment est exactement celui auquel nous croyons que les gens devraient adhérer, car ce n’est qu’en s’unissant et en allant dans la même direction que l’on peut faire avancer les choses. Sinon, nous tirons les uns contre les autres.

D.A.M. : Je travaille depuis que j’ai 17 ans ; j’ai dû subvenir aux besoins de ma famille dès mon plus jeune âge et j’ai toujours été étroitement lié au travail. Lorsque j’ai commencé à découvrir le monde syndical, un jour, un syndicat est venu chercher des délégués au supermarché où je travaillais et deux camarades se sont présentés comme délégués. On pouvait en élire trois, et ces personnes-là n’avaient aucune conscience de classe ; on pourrait dire qu’elles n’étaient pas vraiment pro-travailleurs, elles étaient plutôt pro-patronat et elles étaient très proches de l’entreprise. J’ai donc dit : « Non, si nous voulons lutter pour les droits des travailleurs, nous devons conclure des accords avec l’entreprise, mais aussi avoir des désaccords et lutter pour les droits auxquels nous croyons ». Ça a été un moment, une décision, pour dire : « soit je continue à regarder le statu quo en spectateur, soit je provoque un certain changement », et j’ai choisi de provoquer un changement, avec les sacrifices que cela implique aussi.

Vu la position de leader que vous avez atteinte au sein de votre organisation, qu’est-ce que cela symbolise pour vous et pour la suite de la lutte pour les droits des autochtones ?

D.A.M. : C’est une source de fierté pour moi et ma famille. Ma première Fête du 1er mai en tant que président a été une date marquante pour moi. Ce jour-là, j’ai reconnu mon identité et j’ai affirmé : « Je suis un travailleur du commerce, je suis Mapuche et je viens d’une communauté autochtone de Lleulleu, dans la région de Los Ríos ». Plus qu’un dirigeant syndical, je me considère comme un travailleur et je reconnais également aujourd’hui mon héritage historique : ma mère a émigré du sud du Chili vers la capitale et nous avons perdu notre langue, nous avons perdu une partie de notre culture, mais nous n’avons pas perdu le lien avec le territoire. Il est très important pour moi de le reconnaître, car je suis fière de représenter aujourd’hui, à ce poste, un peuple aussi combatif que l’était et l’est encore le peuple mapuche dans sa revendication territoriale – qui est toujours latente à ce jour.

S.S : Avec le temps, j’ai découvert que ma propre famille avait perdu la majeure partie de son identité samie et kvène, y compris la langue, et ce en raison de la politique de « norvégiannisation » menée depuis des décennies. Mais nous nous réapproprions notre héritage, ma fille et mon fils ouvrant la voie avec des études de langues et bien d’autres choses encore. Lors de mes apparitions publiques, je suis très fière de porter le gakti (robe traditionnelle samie), que j’ai récemment fait confectionner. J’ai le sentiment que ce processus est en soi une victoire sur l’injustice qui a été commise.

Comment les syndicats peuvent-ils davantage aider les peuples autochtones à s’intégrer réellement dans le monde du travail ?

D.A.M. : Avec solidarité et respect. Le respect de l’identité, des croyances, mais aussi la solidarité et l’inclusion dans les espaces de travail.

S.S. : Nous étudierons ce que nous, la confédération syndicale norvégienne, pouvons faire pour contribuer à la lutte contre le racisme, comme nous l’avons fait sur le lieu de travail. Jusqu’à présent, dans le monde du travail, LO a été un ardent défenseur de la législation contre la discrimination désormais en vigueur en Norvège. Cette législation permet aujourd’hui aux employés et aux candidats à l’emploi de bénéficier de l’égalité des chances, indépendamment de leur appartenance ethnique, de leur religion, de leur sexe ou de leurs responsabilités en tant que soignant. Tous les employeurs norvégiens sont tenus de promouvoir activement, de manière ciblée et systématique, l’égalité et de prévenir la discrimination sur le lieu de travail, conformément à la loi sur l’égalité et la lutte contre la discrimination. Cette obligation de participation active de l’employeur est un travail préventif que les employeurs sont tenus d’effectuer avant que ne surviennent des incidents liés à la discrimination.

L.P. : Les syndicats pourraient se transformer en interne et employer davantage d’autochtones dans leurs organisations. En outre, ils ne devraient pas avoir peur de promouvoir ces choses auprès de leurs affiliés ; pour l’instant, c’est un peu perçu comme de la poudre aux yeux. Mais nous appartenons tous à ce pays. Nous devrions donc tous faire la même chose, sans nous contenter de laisser les gens être inclusifs ou de leur dire, et je vais être impoli : « Allez là-bas et jouez avec vos billes pendant que nous nous occupons du vrai travail à faire ici ». Les syndicats doivent être plus inclusifs et faire davantage la promotion des peuples autochtones, de sorte que nous ne soyons pas là juste pour entonner des chants et réciter les prières inaugurales.

Comment les peuples autochtones peuvent-ils contribuer, avec leurs sensibilités, leur culture et leurs expériences spécifiques, aux débats mondiaux actuels concernant la transition juste, la justice sociale, les droits humains et du travail et la santé démocratique de nos sociétés ?

D.A.M. : Au Chili, les peuples originels partent d’une culture de revendication qui réclame de nombreux droits qui leur ont été usurpés : le droit à la terre constitue l’une de leurs principales revendications, mais il y a aussi les cultures ancestrales, en particulier la médecine ancestrale, qui aujourd’hui fait déjà partie de la pénétration de la culture mapuche dans la société d’une manière qui était impensable auparavant. En effet, depuis 15 ou 20 ans, une rupture culturelle a permis à la culture des peuples originels de refaire surface. Aujourd’hui, la quasi-totalité des communes dispose d’une ruca mapuche, c’est-à-dire d’un centre cérémoniel consacré à la gastronomie, à la culture et à la médecine traditionnelle, de sorte qu’au-delà d’un drapeau et d’une tradition combative, apparaît également une culture ancestrale qui parle de solidarité, d’inclusion et de participation, de respect des aînés et de son propre corps.

S.S. : Je pense que nous devons revenir à l’esprit de coopération qui caractérisait la Norvège au début des années 1990. Nous vivons à nouveau une période de crise et de grands risques pèsent sur nous. La polarisation que nous observons à la fois à travers le monde et dans notre partie de celui-ci laisse la place à des forces qui ne souhaitent le bien ni des minorités, ni des majorités, ni des démocraties. Les droits acquis ne le seront pas automatiquement pour toujours. Le combat n’est jamais terminé. Le mouvement syndical en est bien conscient.

L.P. : Lorsque je pense à la transition juste, et en particulier au changement climatique, je pense que les peuples autochtones ont beaucoup à offrir. Mais les pouvoirs en place ne leur demandent rien. Par exemple, lorsque vous pensez aux régions qui souffrent actuellement de la sécheresse, du manque d’eau, etc., les peuples autochtones d’Australie vivent dans ces conditions depuis des années. Comment se fait-il qu’on ne leur parle pas ? Vous savez, sur la façon de survivre dans ce genre de situation ? Et quelle est votre contribution à ces conversations ? Les peuples autochtones ont toujours su agir avec sagesse et de manière durable, et ils continueront à le faire. Les peuples autochtones détiennent une grande partie de ce savoir et s’en servent probablement comme s’il s’agissait du simple bon sens de la vie quotidienne. Si quelqu’un se donnait la peine d’enquêter ou d’en parler, je pense que les peuples autochtones ont beaucoup à offrir, mais premièrement : ont-ils voix au chapitre ? Et deuxièmement, les gens écoutent-ils ce qu’ils ont à dire ?

 

France: Pour un Plan d’Urgence de Sortie de Crise

EDUCATION POUR LA PAIX

Une déclaration de la Groupe parlementaire La France insoumise -NUPES & La France insoumise

La mort du jeune Nahel dans la matinée du 27 juin à Nanterre a déclenché dans le pays une vague d’émotion et de colère. Elle a aussi agi comme une étincelle, déclenchant un mouvement de révolte dans de nombreuses villes du pays, qui exige d’urgence une réponse politique.

Face à cette situation, le gouvernement s’enferme dans une escalade sécuritaire verbale qui ne fait qu’aggraver la situation. Il cherche à se défausser de sa propre responsabilité en ciblant la France insoumise pour mieux masquer son incompétence et son incapacité à agir. Par la même, il renonce à chercher une sortie de crise et il abandonne les habitants à une inquiétude que nous partageons face à des dégradations de biens publics, de logement ou de commerces indispensables à la vie quotidienne.

Partisans d’aucune stratégie de violences, nous voulons que soient traitées les causes de la situation car les problèmes ne datent pas d’hier. Pour les quartiers populaires, le racisme, les violences policières ou les discriminations dans l’accès à l’emploi ou au logement sont le lot quotidien des habitants. Le saccage des services publics, protections sociales et solidarités associatives, du fait de politiques néolibérales austéritaires, est à l’œuvre depuis des décennies. Pour qu’il y ait concorde, il faut des actes forts de la part du gouvernement qui, aujourd’hui comme hier, sont absents. Depuis les révoltes de 2005, le compte n’y est pas.

(Voir suite sur colonne de droite.)

(cliquez ici pour une version anglaise de cet article)

Question pour cet article:

Where are police being trained in culture of peace?

(. . suite)

Rétablir la confiance est d’autant plus difficile que le gouvernement s’est illustré ces dernières années par son incapacité à traiter autrement que par le mépris et l’ignorance les revendications populaires, que ce soit à l’occasion de la mobilisation des gilets jaunes ou contre la retraite à 64 ans, encourageant par là même l’idée qu’aucun changement n’est possible dans le cadre actuel. Il faut donc une rupture complète et des réponses exceptionnelles.

Pour cela, nous demandons un débat à l’Assemblée Nationale au titre de l’article 50-1 de la Constitution afin de proposer un plan d’urgence comprenant :

* L’abrogation immédiate des dispositions « permis de tuer » de la loi Cazeneuve de 2017, responsable de l’explosion des décès suite à des refus d’obtempérer

* La création d’une commission « Vérité et Justice » sur les violences policières ayant entrainé la mort ou la mutilation de citoyens pour en établir toutes les responsabilités

* Le dépaysement immédiat de toute affaire de violences policières, la réforme complète de l’IGPN et la création d’un service d’enquête indépendant.

* La prise en charge par l’Etat des réparations des commerces, des logements et des lieux publics dégradés ces derniers jours

* Une réforme en profondeur de la police nationale pour rebâtir une police républicaine mieux formée et débarrassée de toute forme de racisme, comprenant notamment la dissolution de la BAC, le rétablissement du code de la déontologie de 1986, le renforcement de la formation, l’instauration d’une véritable police de proximité et la fin des techniques d’immobilisation létales. Il faut fermer la période ouverte par Sarkozy en 2002 visant à traiter les jeunes des quartiers populaires comme un ennemi de l’intérieur.

* Un programme d’action global contre les discriminations incluant notamment la création d’un Commissariat à l’égalité, de pôles spécialisés au sein des cours d’appel et la mise en place du récépissé de contrôle d’identité pour lutter contre le contrôle au faciès

* Un plan d’investissement public dans les quartiers populaires pour le rétablissement des services publics, le logement, l’école publique, l’accès à la santé et à la culture, le financement des associations et des centres sociaux
 

La Situation des Droits Humains dans le Monde: Amnesty International – Rapport 2022/23

DROITS DE L’HOMME .

Un rapport de Amnesty International

* Le Rapport annuel d’Amnesty International pour 2022 met en évidence l’existence à travers le monde de deux poids deux mesures en matière de droits humains, ainsi que l’incapacité de la communauté internationale à s’unir autour d’une application systématique des valeurs universelles de protection des droits fondamentaux.

* La réaction ferme de l’Occident à l’agression menée par la Russie contre l’Ukraine contraste fortement avec le manque déplorable d’actions dignes de ce nom face aux graves violations commises par certains de ses alliés, comme l’Arabie saoudite, l’Égypte et Israël.

* Les droits des femmes et la liberté de manifester sont menacés par les États, qui manquent à leur obligation de protéger et de respecter les droits sur leur territoire.

* À l’approche des 75 ans de la Déclaration universelle des droits de l’homme, Amnesty International tient à rappeler qu’un système international fondé sur des règles doit s’appuyer sur les droits humains et s’appliquer à tous et à toutes, partout dans le monde.

L’invasion de grande ampleur de l’Ukraine par la Russie en 2022 a donné lieu à de nombreux crimes de guerre, déclenché une crise mondiale dans les secteurs de l’énergie et des denrées alimentaires, et cherché à perturber encore davantage un système multilatéral déjà faible. Elle a aussi dévoilé au grand jour l’hypocrisie des États occidentaux, qui ont réagi avec force à l’agression russe mais ont fermé les yeux sur de graves violations commises ailleurs, voire en ont été complices, a déclaré Amnesty International lors de la publication de son bilan annuel de la situation des droits humains à travers le monde.

Le Rapport 2022/23 d’Amnesty International sur la situation des droits humains dans le monde constate que la pratique de deux poids deux mesures et les réponses insuffisantes aux atteintes aux droits humains commises aux quatre coins de la planète ont alimenté l’impunité et l’instabilité. Citons par exemple le silence assourdissant sur le bilan de l’Arabie saoudite en matière de droits fondamentaux, la passivité à propos de l’Égypte et le refus d’affronter le système d’apartheid mis en place par Israël contre les Palestinien·ne·s.

Ce rapport dénonce aussi le recours par la Chine à la manière forte pour étouffer toute action internationale sur les crimes contre l’humanité qu’elle a commis, ainsi que l’incapacité des institutions mondiales et régionales (paralysées par la priorité donnée par leurs membres à leurs propres intérêts) à répondre de manière satisfaisante à des conflits qui font des milliers de morts, par exemple en Éthiopie, au Myanmar et au Yémen. « L’invasion de l’Ukraine par la Russie est un exemple glaçant de ce qui peut se produire quand des États pensent pouvoir faire fi du droit international et violer les droits humains en toute impunité », a déclaré Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International.

« La Déclaration universelle des droits de l’homme est née il y a 75 ans des cendres de la Seconde Guerre mondiale. Sa pierre angulaire est la reconnaissance universelle du fait que tout le monde a des droits et des libertés fondamentales. Les droits humains ne doivent pas se perdre dans le chaos de la dynamique mondiale du pouvoir. Ils doivent guider le monde alors qu’il évolue dans un environnement de plus en plus instable et dangereux. Nous ne devons pas attendre que le monde brûle une nouvelle fois. »

La pratique honteuse de deux poids, deux mesures ouvre la voie à de nouvelles atteintes aux droits humains

L’invasion de grande ampleur de l’Ukraine par la Russie a déclenché l’une des pires crises humanitaires et relatives aux droits humains de l’histoire européenne récente. Ce conflit a non seulement entraîné des déplacements massifs, des crimes de guerre et une insécurité énergétique et alimentaire, mais aussi réveillé le spectre effrayant de la guerre nucléaire.

La réaction a été rapide. L’Occident a imposé des sanctions économiques à Moscou et envoyé une aide militaire à Kiev, tandis que la Cour pénale internationale ouvrait une enquête sur les crimes de guerre en Ukraine et que l’Assemblée générale des Nations unies votait la condamnation de l’invasion russe, qualifiée d’acte d’agression. Cependant, cette réponse ferme et bienvenue a fortement contrasté avec les précédentes réactions aux violations massives commises par la Russie et d’autres pays, ainsi qu’avec l’insuffisance affligeante des réactions à d’autres conflits, comme en Éthiopie et au Myanmar.

« Si le système avait fonctionné et demandé des comptes à la Russie pour ses crimes avérés en Tchétchénie et en Syrie, des milliers de vies auraient pu être sauvées à l’époque et aujourd’hui, en Ukraine et ailleurs. Au lieu de cela, nous nous retrouvons avec encore plus de souffrance et de dévastation », a déclaré Agnès Callamard.

« Si, pour l’avenir, il est une leçon à tirer de la guerre d’agression menée par la Russie, c’est qu’il est fondamental de disposer d’un ordre international fondé sur des règles appliquées de manière effective et cohérente. Tous les États doivent accentuer leurs efforts pour aboutir à un tel ordre renouvelé qui bénéficie à tout le monde, partout sur la planète. »

Pour les Palestinien·ne·s de Cisjordanie occupée, l’année 2022 a été la plus meurtrière depuis que les Nations unies ont commencé à recenser systématiquement le nombre de victimes, en 2006. Au moins 151 personnes, dont plusieurs dizaines d’enfants, ont ainsi été tuées par les forces israéliennes. Les autorités israéliennes ont continué de chasser des Palestinien·ne·s de chez eux, et le gouvernement a lancé des projets d’extension drastique des colonies illégales dans toute la Cisjordanie occupée. Au lieu d’exiger la fin du système d’apartheid mis en place par Israël, nombre de gouvernements occidentaux ont préféré s’en prendre à celles et ceux qui le dénonçaient.

Les États-Unis ont critiqué haut et fort les violations commises par la Russie en Ukraine et ont accueilli des dizaines de milliers d’Ukrainiennes et Ukrainiens fuyant la guerre mais, en vertu de politiques et de pratiques ancrées dans un racisme à l’égard des personnes noires, ils ont expulsé plus de 25 000 Haïtiennes et Haïtiens entre septembre 2021 et mai 2022, et infligé à nombre de ces personnes des actes de torture et d’autres mauvais traitements.

Les pays de l’Union européenne ont ouvert leurs frontières aux Ukrainien·ne·s qui fuyaient l’agression russe, montrant que, en tant que bloc parmi les plus riches du monde, ils étaient plus que capable de recevoir un grand nombre de personnes en quête de sécurité et de leur donner accès à la santé, à l’éducation et au logement. En revanche, beaucoup ont laissé leurs portes fermées à celles et ceux qui cherchaient à échapper à la guerre et à la répression en Afghanistan, en Libye et en Syrie.

« Les réactions à l’invasion de l’Ukraine par la Russie nous montrent ce qui peut être fait dès lors que la volonté politique existe. Nous avons assisté à des condamnations mondiales, à des enquêtes sur les crimes commis, et à l’ouverture des frontières aux personnes réfugiées. C’est ainsi que nous devrions réagir à toutes les violations massives des droits humains », a déclaré Agnès Callamard.

Cette politique de deux poids, deux mesures de l’Occident a enhardi des pays comme la Chine, et a permis à l’Arabie saoudite et à l’Égypte d’échapper aux critiques sur leur bilan en matière de droits humains, ou de les ignorer et de s’en détourner.

Ainsi, malgré des violations généralisées, constituant des crimes contre l’humanité, perpétrées contre les Ouïghour·e·s et d’autres minorités musulmanes, la Chine a échappé à toute condamnation internationale de la part de l’Assemblée générale, du Conseil de sécurité et du Conseil des droits de l’homme de l’ONU.

Le Conseil des droits de l’homme a créé un mandat de rapporteur·euse spécial·e sur la situation des droits humains en Russie et un mécanisme d’enquête sur l’Iran à la suite de la répression meurtrière des manifestations dans ce pays, mais il a décidé par un vote de ne pas enquêter davantage ni même de débattre au sujet des éléments recueillis par les Nations unies elles-mêmes indiquant que des crimes contre l’humanité pouvaient avoir été commis dans le Xinjiang (Chine), et il a renoncé à une résolution sur les Philippines.

« Les pays ont appliqué le droit relatif aux droits humains au cas par cas, faisant preuve au fil du temps d’une hypocrisie flagrante et de deux poids, deux mesures. Les États ne peuvent pas un jour critiquer des violations et le lendemain tolérer des actes similaires dans d’autres pays uniquement parce que leurs intérêts sont en jeu. C’est un comportement inadmissible, qui affaiblit la trame même des droits fondamentaux universels », a déclaré Agnès Callamard.

« Il est aussi nécessaire que les pays qui n’ont pas encore fait entendre leur voix prennent position contre les atteintes aux droits humains quel que soit l’endroit où elles se produisent. Nous avons besoin de moins d’hypocrisie, de moins de cynisme et de plus d’action cohérente, fondée sur des principes et ambitieuse de la part de tous les États pour promouvoir et protéger l’ensemble des droits. »

(Cliquez ici pour une version espagnole de cet article, ou ici pour une version anglaise.)

Question(s) related to this article:

What is the state of human rights in the world today?

Une répression brutale de la dissidence partout dans le monde

En 2022, en Russie, des dissident·e·s ont été traduits en justice et des médias fermés pour avoir simplement osé mentionner la guerre en Ukraine. Des journalistes ont été emprisonnés en Afghanistan, au Bélarus, en Éthiopie, au Myanmar, en Russie et dans des dizaines d’autres pays du monde frappés par des conflits.

En Australie, en Inde, en Indonésie et au Royaume-Uni, les autorités ont adopté de nouvelles lois imposant des restrictions sur les manifestations, tandis qu’au Sri Lanka elles ont utilisé des pouvoirs d’exception pour réprimer le mouvement de protestation massif contre la crise économique croissante. La législation du Royaume-Uni donne aux policiers des pouvoirs extrêmement larges, notamment la possibilité d’interdire les « manifestations bruyantes », ce qui porte atteinte aux droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique.

La technologie a été utilisée comme une arme contre de nombreuses personnes, pour les réduire au silence, empêcher des rassemblements publics ou faire de la désinformation.

Les autorités iraniennes ont répondu au soulèvement sans précédent contre des décennies d’oppression par une force illégale, tirant des balles réelles, des projectiles en métal et du gaz lacrymogène, et rouant de coups les protestataires. Plusieurs centaines de personnes, dont des dizaines d’enfants, ont été tuées. En décembre, les forces de sécurité péruviennes ont eu recours à une force illégale, en particulier contre des membres de peuples autochtones et des campesinos, en réaction aux manifestations pendant la crise politique qui a suivi la destitution du président Pedro Castillo. La répression a aussi touché des journalistes, des défenseur·e·s des droits humains et des opposant·e·s politiques, par exemple au Mozambique et au Zimbabwe..

En réaction aux menaces croissantes visant le droit de manifester, Amnesty International a lancé en 2022 une campagne mondiale destinée à contrer les efforts redoublés que déploient certains États pour saper le droit fondamental à la liberté de réunion pacifique. Dans le cadre de cette campagne, l’organisation demande l’adoption d’un traité contre le commerce des instruments de torture, qui interdirait la fabrication et le commerce des équipements de maintien de l’ordre intrinsèquement abusifs et contrôlerait le commerce de ceux qui sont souvent utilisés pour commettre des actes de torture et d’autres mauvais traitements.

Les femmes frappées de plein fouet en l’absence de protection et de respect de leurs droits par les États

La répression de la dissidence et l’incohérence des politiques en matière de droits humains ont aussi eu de lourdes répercussions sur les droits des femmes.

La Cour suprême des États-Unis a invalidé la garantie constitutionnelle qui protégeait depuis des années le droit à l’avortement, remettant ainsi en cause d’autres droits humains, tels que les droits à la vie, à la santé, au respect de la vie privé, à la sécurité et à la non-discrimination de millions de femmes, de filles et d’autres personnes pouvant être enceintes.

À la fin de 2022, plusieurs États des États-Unis avaient adopté des lois interdisant ou restreignant l’accès à l’avortement, tandis qu’en Pologne des militant·e·s étaient poursuivis en justice pour avoir aidé des femmes à se procurer des pilules abortives.

Aux États-Unis, les femmes autochtones continuaient d’être touchées de manière disproportionnée par les viols et les autres formes de violences sexuelles. Au Pakistan, plusieurs meurtres de femmes tuées par un membre de leur famille ont eu un grand retentissement. Malgré cela, le Parlement n’avait toujours pas adopté à la fin de l’année le projet de loi sur la violence domestique en instance depuis 2021. En Inde, des violences contre des femmes dalits (opprimées) et adivasis (aborigènes), ainsi que d’autres crimes motivés par la haine liée à la caste, ont été commis en toute impunité.

L’Afghanistan a été le théâtre d’une régression particulièrement forte des droits des femmes et des filles à l’autonomie personnelle, à l’éducation, au travail et à l’accès aux espaces publics, due à de nombreux décrets pris par les talibans. En Iran, la « police des mœurs » a violemment arrêté Mahsa (Zhina) Amini parce qu’elle avait laissé des mèches de cheveux dépasser de son foulard. Cette jeune fille est morte en détention quelques jours plus tard après avoir, selon des témoignages crédibles, été torturée, ce qui a déclenché des manifestations dans tout le pays, au cours desquelles de nombreuses autres femmes et filles ont été blessées, arrêtées ou tuées.

« La volonté des États de contrôler le corps, la sexualité et la vie des femmes et des filles est source de terribles violences, d’oppression et de pertes de potentiel », a déclaré Agnès Callamard.

Une action mondiale cruellement insuffisante face aux menaces pesant sur l’humanité

En 2022, le monde entier a continué de souffrir des conséquences de la pandémie de COVID-19. Le changement climatique, les conflits et les crises économiques provoquées en partie par l’invasion russe de l’Ukraine ont encore aggravé les menaces pesant sur les droits humains.

Du fait de la crise économique, 97 % de la population vivait dans la pauvreté en Afghanistan. En Haïti, plus de 40 % de la population se trouvait en situation d’insécurité alimentaire aiguë à cause de la crise politique et humanitaire, exacerbée par la violence généralisée des gangs.

Les phénomènes météorologiques extrêmes accentués par le réchauffement rapide de la planète ont provoqué la famine et la maladie dans plusieurs pays d’Asie du Sud et d’Afrique subsaharienne, tels que le Nigeria et le Pakistan, où les inondations ont eu des effets catastrophiques sur la vie et les moyens de subsistance de la population et ont provoqué des épidémies de maladies à transmission hydrique, qui ont fait des centaines de morts.

Dans ce contexte, les États n’ont pas agi dans l’intérêt supérieur de l’humanité et n’ont pas su réduire leur dépendance aux énergies fossiles, principal facteur qui nous pousse vers la plus grande menace à la vie que nous ayons jamais connue. Cet échec collectif est un autre exemple flagrant de la faiblesse des systèmes multilatéraux actuels.

« Le monde est assailli de crises qui se télescopent : multiplication des conflits armés, cruauté de l’économie mondiale, qui laisse trop d’États accablés par une dette insoutenable, abus en matière de fiscalité des entreprises, utilisation de la technologie comme une arme, crise climatique, évolution des rapports de pouvoir, etc. Nous n’avons aucune chance de survivre à ces crises sans institutions internationales aptes à s’acquitter de leurs fonctions », a déclaré Agnès Callamard.

Des institutions internationales défaillantes à remettre en état de marche

Il est indispensable que les institutions et les systèmes internationaux destinés à protéger nos droits soient renforcés plutôt qu’affaiblis. La première étape est de financer pleinement les mécanismes de défense des droits humains des Nations unies, afin que des enquêtes puissent être menées, que l’obligation de rendre des comptes soit garantie et que justice soit rendue.

Amnesty International demande aussi une réforme du principal organe de prise de décisions de l’ONU, le Conseil de sécurité, afin de faire entendre la voix des pays et des situations qui sont traditionnellement ignorés, en particulier dans l’hémisphère sud.

« Le système international a besoin d’être sérieusement réformé pour tenir compte des réalités actuelles. Nous ne pouvons pas laisser les membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies continuer de brandir leur pouvoir de veto et d’abuser de leurs privilèges sans contrôle. Le manque de transparence et d’efficacité du processus de prise de décisions du Conseil de sécurité expose la totalité du système à la manipulation, aux abus et aux dysfonctionnements », a déclaré Agnès Callamard.

Heureusement, tandis que les gouvernements obnubilés par leurs propres intérêts ne font rien pour mettre nos droits fondamentaux au premier plan, le mouvement de défense des droits humains montre qu’il reste possible de tirer de l’inspiration et de l’espoir des populations mêmes que les États devraient protéger.

En Colombie, l’action militante et judiciaire persistante en faveur des droits des femmes a joué un rôle dans la décision de la Cour constitutionnelle de dépénaliser l’avortement pendant les 24 premières semaines de la grossesse. Au Soudan du Sud, Magai Matiop Ngong, condamné à mort à l’âge de 15 ans en 2017, a été libéré de prison. Sa remise en liberté est intervenue après qu’une pétition réclamant sa libération a recueilli plusieurs milliers de signatures à travers le monde.

Au Guatemala, le militant écologiste autochtone maya Bernardo Caal Xol a bénéficié d’une libération conditionnelle après avoir passé quatre ans en détention sur la base d’accusations forgées de toutes pièces. En Espagne, après des années de campagne des mouvements de défense des femmes, le Parlement a adopté une loi plaçant le consentement au cœur de la définition juridique du viol. Le Kazakhstan et la Papouasie-Nouvelle-Guinée ont abrogé la peine de mort.

« Alors qu’il serait facile de céder au désespoir face aux atrocités et aux atteintes aux droits humains, des gens ont montré tout au long de l’année 2022 que nous ne sommes pas impuissant·e·s », a déclaré Agnès Callamard.

« Nous avons été témoins d’actes de défiance iconiques, comme les manifestations de femmes afghanes contestant le régime taliban et des femmes iraniennes marchant tête nue en public ou se coupant les cheveux pour protester contre les lois sur le port obligatoire du voile. Des millions de personnes soumises à l’oppression systématique du patriarcat ou du racisme sont descendues dans la rue pour réclamer un avenir meilleur. Elles l’avaient déjà fait les années précédentes et ont recommencé en 2022. Cela devrait rappeler aux détenteurs du pouvoir que nous ne serons jamais des spectateurs et spectatrices passifs de leurs attaques contre notre dignité, notre égalité et notre liberté. »

 

Amnesty International: En 2022, Ces Victoires qui Méritent d’être Célébrées

DROITS DE L’HOMME .

Un article de Amnesty International

Pour lutter contre les injustices, c’est ensemble que nous avons le plus de pouvoir. La preuve : ces victoires remportées en 2022. Face à la morosité ambiante et au flot de mauvaises nouvelles qui nous inonde, elles méritent d’être célébrées ! 

Tout au long de cette année, grâce à notre travail (campagnes, plaidoyer, sensibilisation, etc.) et à votre mobilisation, nous avons contribué à changer des vies, changer des lois. Partout dans le monde, nous avons aidé des personnes à obtenir justice et réussi à améliorer la situation de personnes dont les droits humains étaient bafoués.  

Tour d’horizon des victoires à célébrer, obtenues en 2022 en matière de droits humains. 

« We made it ! » : des personnes injustement détenues ont été libérées de prison 

En Afghanistan, le professeur Faizullah Jalal, maître de conférences à l’université, a été libéré en janvier après avoir été arrêté et détenu arbitrairement par les talibans. 

Ramy Shaath, le militant égypto-palestinien a vécu l’année 2022 en homme libre. Ce célèbre opposant politique et défenseur des droits humains en Égypte  a été arrêté arbitrairement et détenu dans son pays pendant deux ans et demi. Dès sa libération, en janvier 2022, il a remercié toutes les personnes qui se sont mobilisées pour lui : « Chacun de vos mots, chacune de vos lettres m’ont énormément apporté. Moralement mais aussi politiquement. Les autorités ne pouvaient pas ignorer que le monde les regardait. ». Le combat continue aujourd’hui pour tous les opposants injustement emprisonnés en Égypte. 
  
Au Soudan du Sud, Magai Matiop Ngong  a échappé à la peine de mort. Il avait été condamné à la peine capitale à l’âge de 15 ans, en 2017. Plus de 700 000 actions ont été menées dans le monde entier en sa faveur lors de notre grande campagne des « 10 jours pour signer » de 2019. Il a finalement été libéré en mars dernier. Un grand soulagement !

Au Guatemala, Bernardo Caal Xol, défenseur maya des droits des populations autochtones et de l’environnement, a été incarcéré pour des accusations forgées de toutes pièces en lien avec ses activités militantes. Plus d’un demi-million d’actions ont été menées en faveur de la libération de ce prisonnier d’opinion dans le cadre de notre campagne phare « 10 jours pour signer » de 2021. Une mobilisation payante : Bernardo a été libéré en mars dernier.

En Russie, l’artiste Ioulia Tsevtkova  risquait jusqu’à six ans de prison pour de simples dessins de corps de femmes et de vulves sur les réseaux sociaux. Grâce à une large mobilisation, l’artiste russe de 29 ans a finalement été acquittée en novembre dernier. Une décision d’autant plus réjouissante qu’elle est un exemple rare de justice dans la Russie  actuelle, qui a par ailleurs approuvé le 24 novembre dernier une loi durcissant l’interdiction de la « propagande » LGBTI.  

En Turquie, l’annulation de la condamnation de quatre défenseur·e·s des droits humains, en procès depuis 2017, a été un immense soulagement. Parmi eux, Taner Kılıç, président honoraire d’Amnesty Turquie, et Idil Eser, ex-directrice d’Amnesty Turquie. Tous deux membres fondateurs d’Amnesty International Turquie, ils jouent depuis vingt ans un rôle crucial dans la défense des droits humains dans leur pays. Cinq ans après leur emprisonnement, ce jugement met fin à une parodie de justice et révèle l’objectif à caractère politique de ces poursuites : se servir des tribunaux comme d’une arme pour faire taire les voix critiques. Cette bonne nouvelle ne nous fait pas oublier les nombreux défenseur·e·s des droits humains qui croupissent en prison, vivent dans la crainte d’être arrêtés ou font l’objet de poursuites infondées en Turquie. 

Des auteurs de violations des droits humains ont dû rendre des comptes 

En janvier, un tribunal allemand a condamné Anwar Raslan  ancien responsable des services de renseignement syriens, à la réclusion à perpétuité pour crimes contre l’humanité. Il a notamment été reconnu coupable de tortures, meurtres et viols de détenus dans la « Branche 251 », un centre de détention géré par le renseignement militaire à Damas. Un verdict historique et une victoire pour les familles des victimes de ce bourreau.  

En juin, un tribunal a enfin rendu une justice partielle pour le meurtre, en 2016, de Berta Cáceres, défenseure des droits de l’environnement et des populations autochtones : David Castillo a été condamné à une peine de prison en tant que co-auteur de son assassinat. Nous continuons à nous mobiliser pour que les autres responsables du meurtre de Berta Cáceres soient traduits en justice.

(Cliquez ici pour une version espagnole de cet article, ou ici pour une version anglaise.)

Question(s) related to this article:

What is the state of human rights in the world today?

En novembre, le Bureau fédéral d’enquête des États-Unis (FBI) a informé le gouvernement israélien qu’il mènerait une enquête sur l’homicide, en mai, de la journaliste palestino-américaine Shireen Abu Akleh par un soldat israélien.

La lutte pour l’abolition mondiale de la peine de mort a continué de progresser

Notre combat en faveur de l’abolition mondiale de la peine de mort  est historique. En 2022, il a connu de nouveaux succès, toute une série de pays ayant aboli ce châtiment ou pris des mesures significatives dans cette voie. 

L’abolition de la peine de mort pour tous les crimes est entrée en vigueur au Kazakhstan  en janvier.  

La Papouasie-Nouvelle-Guinée  lui a emboîté le pas en avril, abrogeant ce châtiment trente ans après sa réintroduction. Puis la République centrafricaine  en juin, la Guinée équatoriale  en septembre et la Zambie en décembre.

La tendance vers l’abolition universelle de la peine de mort  se confirme donc : 143 pays ont aboli la peine de mort en droit ou en pratique. Des pays restent encore à convaincre, le combat continue !

Des avancées importantes ont été remportées pour les droits des femmes et des personnes LGBTI

En 2022, nous avons contribué à certaines victoires notables pour les droits des femmes et des LGBTI

La marée verte se poursuit en Amérique latine. En Colombie, l’avortement a été dépénalisé jusqu’à la 24e semaine de grossesse. Cette nouvelle fait suite à la légalisation de l’avortement en Argentine, en 2020, et sa dépénalisation au Mexique, en 2021. 

En Espagne, un rapport sexuel sans consentement constitue désormais un viol. “No es no!” 

En Finlande, le Parlement a pris des mesures allant dans le même sens, avec des réformes qui font de l’absence de consentement un élément clé pour définir le viol. La Finlande a aussi adopté des réformes en octobre qui ont assoupli les lois très strictes sur l’avortement dans la région nordique. 

En Suisse, le mariage des couples de même sexe Slovénie  a suivi le mouvement en octobre, légalisant le mariage homosexuel après un arrêt de la Cour constitutionnelle.

De même que Cuba qui, par référendum, a adopté un nouveau code des familles qui ouvre le mariage et l’adoption à « toutes les personnes » !

Des lois et des résolutions essentielles ont été adoptées par des gouvernements

Le travail d’Amnesty International a contribué à l’adoption de lois et de résolutions essentielles, mais aussi à ce que les entreprises prennent plus au sérieux leurs obligations en termes de droits humains et soient amenées à rendre des comptes. 

En Inde, la Cour suprême a remporté une victoire pour la protection et la promotion du droit à la liberté d’expression en suspendant la loi relative à la sédition datant de 152 ans

Aux États-Unis, une loi sur les violences par armes à feu, pour laquelle Amnesty International États-Unis et ses partenaires faisaient campagne depuis longtemps, a été adoptée. 

Au Sahel, notre travail de plaidoyer pour protéger les enfants dans les zones de conflit du Niger  s’est traduit par un renforcement de la surveillance de la situation par l’ONU. En juillet, le secrétaire général de l’ONU a demandé à sa représentante spéciale de « promouvoir une capacité de surveillance renforcée dans la région du Sahel central », qui couvrirait la région tri-frontalière du Niger – l’une des principales recommandations de notre rapport paru en septembre 2021. 

À notre demande, les autorités de Sierra Leone  ont invité la société minière Meya, qui déploie ses activités dans le district de Kono, à répondre à nos préoccupations quant à l’impact négatif de ses activités sur les populations locales. La société a répondu qu’elle était engagée dans diverses actions visant à améliorer la sécurité des populations et l’accès à l’eau potable pour les habitant·e·s. 

Au Myanmar, grâce à notre enquête établissant un lien entre la chaîne d’approvisionnement en carburant d’aviation et des crimes de guerre commis par l’armée, plusieurs entreprises ont annoncé leur retrait des ventes de kérosène à ce pays. 

L’Union européenne est parvenue à un accord politique sur la Loi sur les services numériques ( Digital Services Act, DSA). Ce cadre réglementaire historique obligera, entre autres, les plateformes des géants technologiques à évaluer et gérer les risques systémiques posés par leurs services, tels que l’incitation à la haine et la diffusion de fausses informations. 

Des progrès notables ont également été enregistrés en matière de justice environnementale : l’Assemblée générale des Nations unies a adopté une résolution sur la reconnaissance universelle du droit à un environnement sain.

En 2023, le combat continue ! 

 

Les albinos: « Les droits de l’homme sont aussi valables pour eux !!! »

DROITS DE L’HOMME .

Un article par Rijanirina J. Randrianandrasana

Un enfant de 6 ans, le corps sans vie et mutilé, a été retrouvé dans la commune de Berano à Amboasary le 4 mars 2022. Un autre âgé de 4 ans (Voir minutes 11-12 du rapport), mais avec un dénouement moins tragique, enlevé à Ambilobe, est localisée et retrouvé par les forces de l’ordre à Tuléar auprès de ses ravisseurs, le 21 juillet dernier. Le point commun entre ces deux enfants est que… ce sont des personnes atteintes d’albinisme.

L’albinisme est une maladie héréditaire congénitale, rare et non contagieuse, due par l’absence d’un pigment, touchant aussi bien les hommes que les femmes, quelle que soit leur origine. En vertu du droit international relatif aux droits humains, les personnes vivantes dans l’albinisme sont considérées comme des personnes handicapées.

Ces personnes subissent néanmoins un ostracisme. Ils font souvent l’objet de discriminations directes et indirectes, notamment dans le domaine de la santé, de l’éducation et du travail. Les attaques contre les personnes atteintes d’albinisme peuvent varier d’une agression verbale à une agression physique de toute forme. Des croyances erronées et des superstitions mettent en danger leur vie et leur sécurité. L’attitude de la société à leurs égards n’évolue pas et ces personnes et leurs familles risquent encore d’être agressées. Et même si la Convention Internationale sur les Droits Civils et Politiques ratifié en 1976, stipule que chaque humain a le droit de vivre et que ce droit est protégé par la loi (Partie III, art. 6.1) et que quiconque a le droit à la liberté et à la sécurité (art. 9.1).

(Cliquez ici pour une version anglaise de cet article.)

Question(s) related to this article:
 
How can we protect the human rights of persons with disabilities?

Mais le pire, c’est que nous sommes tous responsable de ces atrocités. Nous, leurs camarades de classe, nous les harcelons avec nos mots et nos gestes. Nous, collègue de travail, nous les dévalorisons compte tenu de leurs situations d’handicap même si cela ne définit guère leurs aptitudes. Nous, leur propre famille, nous avons honte de l’apparence de l’un des nôtre. Nous, membre de la société, nous restons muets face à ces injures et ces violences. Nous, les décideurs, nous ne faisons rien pour améliorer leurs conditions de vie en instaurant les soutiens adéquates. Nous sommes tous coupables parce que nous n’agissons pas convenablement.

Mais, heureusement, tous n’est pas perdu. Lutter contre les formes de violence, de discrimination et de stigmatisation envers les personnes atteintes d’albinisme est une évidence. En raison de leur situation alarmante, il est essentiel d’opérer certains changements pour qu’ils puissent jouir des mêmes droits que les autres. Le droit à l’égalité et à la non-discrimination ne signifie pas que tout le monde doit toujours être traité de la même manière ; des distinctions doivent parfois être faites. Ainsi, nous avons le devoir de sensibiliser la société sur le droit de ces personnes pour abolir la discrimination et la violence à leurs encontre.

A nous, personnes discriminants, ignorants, profiteurs, trafiqueurs, il n’est pas trop tard de devenir des agents de changement et de s’organiser pour les protéger en retour. A nous, alliés de la lutte contre la discrimination des personnes atteintes d’albinisme, la lutte ne fait que commencer !!! Sur ce, nous allons boucler cet article avec la citation de Mahatma Gandhi : « On ne peut jamais savoir quels seront les résultats de nos actes. Mais si nous ne faisons rien, nous n’obtiendrons aucun résultat. »

Bibliographie

AMNESTY INTERNATIONAL & OSISA. (2021). Promouvoir & protéger les droits fondamentaux des personnes atteintes d’albinisme : Manuel destiné aux institutions nationales des droits de l’Homme. Amnesty International Ltd.

AMNESTY INTERNATIONAL. (2016, mars 8). Action urgente : Malawi, danger pour les personnes albinos.

DIDR-OFPRA. (2018, Mai 14). Les personnes vivant dans l’albinisme. République Démocratique de Congo.

Colombie. La dépénalisation de l’avortement est une victoire pour les droits humains

DROITS DE L’HOMME .

Un article de Amnesty International

La décision de la Cour constitutionnelle colombienne en faveur de la dépénalisation de l’avortement au cours des 24 premières semaines de grossesse est une grande victoire pour les droits humains, a déclaré Amnesty International le 21 février 2022.


Photo de Daniel Romero/Long Visual Press/Universal Images Group via Getty Images

« Nous saluons cette décision comme une victoire historique pour le mouvement des femmes en Colombie qui lutte depuis des décennies pour la reconnaissance de leurs droits. Les femmes, les filles et les personnes susceptibles d’être enceintes sont les seules habilitées à prendre des décisions concernant leur corps. Désormais, au lieu de les sanctionner, les autorités colombiennes devront reconnaître leur autonomie vis-à-vis de leur corps et de leurs projets de vie, a déclaré Erika Guevara-Rosas, directrice pour les Amériques à Amnesty International.

« Après la légalisation de l’avortement en Argentine l’an dernier et la récente dépénalisation au Mexique, cette décision témoigne de l’élan irrépressible de la marée verte en Amérique latine. Nous continuerons de nous battre tant que les droits en matière de sexualité et de procréation de toutes les femmes, les filles et les personnes susceptibles d’être enceintes ne seront pas reconnus sur tout le continent, sans exception. »

(Cliquez ici pour une version espagnole de cet article, ou ici pour une version anglaise.)

Question(s) related to this article:
 
Abortion: is it a human right?

Le 21 février 2022, la Cour constitutionnelle a approuvé la décision de dépénaliser l’avortement au cours des 24 premières semaines de grossesse, à cinq voix pour et quatre contre. Au bout des 24 semaines, l’avortement ne sera légal qu’en cas de risque pour la vie ou la santé de la personne enceinte ou en cas de malformations fœtales potentiellement mortelles, ou lorsque la grossesse résulte d’un viol, d’un inceste ou d’une insémination artificielle non consentie.

« Bien que la dépénalisation de l’avortement au cours des 24 premières semaines soit une avancée cruciale pour le droit à l’avortement en Colombie, ainsi qu’en Amérique latine et aux Caraïbes, personne ne devrait jamais être criminalisé pour avoir avorté. Aussi devons-nous rester mobilisés en faveur de l’accès complet à un avortement sûr et légal en toutes circonstances, en Colombie et dans le monde », a ajouté Erika Guevara-Rosas.

Alors qu’il s’agit d’un droit fondamental établi par la Cour constitutionnelle par le décret C-355 de 2006, l’accès à l’avortement est actuellement inégal et limité en Colombie. On estime que 400 400 avortements sont pratiqués chaque année  dans le pays, et que moins de 10 % le sont légalement, avec une forte concentration de services dans les plus grandes villes.

Non seulement l’avortement légal est beaucoup plus sûr que l’avortement clandestin, mais son coût en Colombie, par rapport à des soins pour un avortement incomplet, est bien moins élevé, lorsqu’il est pratiqué dans des institutions de haut niveau grâce aux techniques recommandées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

La criminalisation de l’avortement exacerbe les inégalités entre les femmes. La grande majorité des personnes signalées pour des avortements clandestins en Colombie vivent dans des zones rurales et près d’un tiers  d’entre elles sont des victimes de violences domestiques, de violences sexuelles ou de dommages corporels. Au lieu d’un cadre offrant de meilleures garanties en termes de droits humains, c’est un cadre de persécution envers les femmes les plus vulnérables qui a prévalu.

De plus, la criminalisation de l’avortement suscite peur et rejet parmi les professionnel·le·s de santé, ce qui les amène à éviter de pratiquer des interruptions de grossesse, par crainte des conséquences sociales et légales auxquelles ils s’exposent.

Amnesty International : L’apartheid d’Israël contre la population palestinienne : un système cruel de domination et un crime contre l’humanité

DROITS DE L’HOMME .

Un rapport de Amnesty International

Les autorités israéliennes doivent rendre des comptes pour le crime d’apartheid commis contre la population palestinienne, a déclaré Amnesty International mardi 1er février dans un nouveau rapport accablant. L’enquête présente en détail le système d’oppression et de domination qu’Israël inflige au peuple palestinien partout où ce pays contrôle ses droits. Sont concernés les Palestiniens et Palestiniennes qui vivent en Israël et dans les territoires palestiniens occupés (TPO), ainsi que les réfugié·e·s déplacés dans d’autres pays.


video par Amnesty

Ce rapport complet et détaillé, intitulé L’apartheid d’Israël contre la population palestinienne : un système cruel de domination et un crime contre l’humanité, montre que les saisies massives de biens fonciers et immobiliers palestiniens, les homicides illégaux, les transferts forcés, les restrictions draconiennes des déplacements, ainsi que le refus de nationalité et de citoyenneté opposé aux Palestinien·ne·s, sont autant de facteurs constitutifs d’un système qui peut être qualifié d’apartheid en vertu du droit international. Ce système est perpétué par des violations qui, d’après les conclusions d’Amnesty International, constituent le crime contre l’humanité d’apartheid tel qu’il est défini dans le Statut de Rome et la Convention sur l’apartheid.

Amnesty International appelle la Cour pénale internationale (CPI) à considérer la qualification de crime d’apartheid dans le cadre de son enquête actuelle dans les TPO et appelle tous les États à exercer la compétence universelle afin de traduire en justice les personnes responsables de crimes d’apartheid.

« Absolument rien ne justifie un système reposant sur l’oppression raciste institutionnalisée et prolongée de millions de personnes. L’apartheid n’a pas sa place dans notre monde et les États qui choisissent d’être complaisants avec Israël se trouveront du mauvais côté de l’Histoire. Les gouvernements qui continuent à livrer des armes à Israël et à lui éviter l’obligation de rendre des comptes à l’ONU soutiennent un système d’apartheid, sapent la législation internationale et exacerbent les souffrances du peuple palestinien. La communauté internationale doit reconnaître la réalité de l’apartheid imposé par Israël et étudier les nombreuses pistes judiciaires qui restent honteusement inexplorées. »

Les conclusions d’Amnesty International s’appuient sur les travaux de plus en plus fournis d’ONG palestiniennes, israéliennes et internationales, qui analysent de plus en plus souvent la situation en Israël et/ou dans les TPO sous l’angle de la qualification d’apartheid.

Identification de l’apartheid

Un système d’apartheid est un régime institutionnalisé d’oppression et de domination mis en œuvre par un groupe racial sur un autre. C’est une grave atteinte aux droits humains qui est interdite dans le droit public international. Les recherches et l’analyse juridique approfondies menées par Amnesty International, en concertation avec des experts externes, démontrent qu’Israël impose un tel système à la population palestinienne au moyen de lois, politiques et pratiques qui perpétuent leur traitement discriminatoire cruel et prolongé.

Dans le droit pénal international, des actes illicites précis, commis dans le cadre d’un système d’oppression et de domination avec l’intention de l’entretenir, sont constitutifs du crime contre l’humanité d’apartheid. Ces actes sont détaillés dans la Convention sur l’apartheid et le Statut de Rome, et il s’agit notamment des homicides illégaux, de la torture, des transferts forcés et de la privation de droits et libertés fondamentaux.

Amnesty International a fait état d’actes interdits par la Convention sur l’apartheid et le Statut de Rome dans tous les territoires sous le contrôle d’Israël, quoiqu’ils soient plus fréquents et violents dans les TPO qu’en Israël. Les autorités israéliennes imposent de nombreuses mesures qui privent délibérément la population palestinienne de ses droits et libertés fondamentaux : notamment des restrictions draconiennes des déplacements dans les TPO, un sous-investissement discriminatoire chronique dans les communautés palestiniennes d’Israël, et une entrave au droit de retour des réfugié·e·s. Le rapport fait aussi état de transferts forcés, de détentions administratives, d’actes de torture et d’homicides illégaux, à la fois en Israël et dans les TPO.

Amnesty International a conclu que ces actes s’inscrivaient dans le cadre d’une attaque systématique et généralisée contre la population palestinienne, et qu’ils étaient commis avec l’intention d’entretenir un système d’oppression et de domination. Par conséquent, ils constituent le crime contre l’humanité d’apartheid.

L’homicide illégal de manifestant·e·s palestiniens est sans doute l’exemple le plus flagrant du recours des autorités israéliennes à des actes illicites pour maintenir le statu quo. En 2018, des Palestinien·ne·s de la bande de Gaza ont commencé à organiser des manifestations hebdomadaires le long de la frontière avec Israël, pour revendiquer le droit au retour des réfugié·e·s et exiger la fin du blocus. Avant même le début des manifestations, des hauts responsables israéliens ont averti que tout Palestinien s’approchant du mur serait visé par des tirs. À la fin de l’année 2019, les forces israéliennes avaient tué 214 civils, dont 46 enfants.

Compte tenu des homicides illégaux systématiques de Palestinien·ne·s dont fait état son rapport, Amnesty International appelle aussi le Conseil de sécurité de l’ONU à imposer à Israël un embargo strict sur l’armement. Cette mesure doit englober toutes les armes et munitions, ainsi que les équipements de maintien de l’ordre, au vu des milliers de civils palestiniens tués illégalement par les forces israéliennes. Le Conseil de sécurité doit par ailleurs imposer des sanctions ciblées, comme le gel d’actifs, aux responsables israéliens les plus impliqués dans le crime d’apartheid.

La population palestinienne est considérée comme une menace démographique

Depuis sa création en 1948, Israël mène une politique visant à instituer et à entretenir une hégémonie démographique juive et à optimiser son contrôle sur le territoire au bénéfice des juifs et juives israéliens. En 1967, Israël a étendu cette politique à la Cisjordanie et à la bande de Gaza. Actuellement, tous les territoires sous le contrôle d’Israël restent administrés dans le but de favoriser les juifs et juives israéliens aux dépens de la population palestinienne, tandis que les réfugié·e·s palestiniens continuent d’être exclus.

Amnesty International reconnaît que les personnes juives, tout comme les personnes palestiniennes, font valoir un droit à l’autodétermination et l’organisation ne conteste pas la volonté d’Israël d’être une terre d’accueil pour les juifs. De la même manière, l’organisation n’estime pas que la qualification d’« État juif » employée par Israël indique l’intention d’opprimer et de dominer.

Toutefois, le rapport d’Amnesty International montre que les gouvernements israéliens successifs ont assimilé la population palestinienne à une menace démographique et imposé des mesures pour contrôler et réduire leur présence et leur accès aux terres en Israël et dans les TPO. Ces objectifs démographiques sont visibles dans les plans officiels de « judaïsation » de certaines zones en Israël et en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, des plans qui exposent des milliers de Palestinien·ne·s au risque de transfert forcé.

Oppression sans frontière

Les guerres de 1947-1949 et 1967, le régime militaire actuel d’Israël dans les TPO, et la création de régimes juridiques et administratifs distincts au sein du territoire ont isolé les communautés palestiniennes et les ont séparées de la population juive israélienne. La population palestinienne a été fragmentée géographiquement et politiquement, et elle vit divers degrés de discrimination selon son statut et son lieu de résidence.

Les citoyen·ne·s palestiniens d’Israël ont actuellement plus de droits et libertés que leurs homologues des TPO, et le quotidien des Palestinien·ne·s est par ailleurs très différent s’ils vivent dans la bande de Gaza ou en Cisjordanie. Les recherches d’Amnesty International montrent néanmoins que l’ensemble de la population palestinienne est soumise à un seul et même système. Le traitement des Palestinien·ne·s par Israël dans tous les territoires répond au même objectif : privilégier les juifs et juives israéliens dans la répartition des terres et ressources, et minimiser la présence de la population palestinienne et son accès aux terres.

(Cliquez ici pour une version espagnole de cet article, ou ici pour une version anglaise.)

Question(s) related to this article:
 
Israel/Palestine, is the situation like South Africa?

Amnesty International démontre que les autorités israéliennes traitent les Palestinien·ne·s comme un groupe racial inférieur défini par son statut arabe non-juif. Cette discrimination raciale est ancrée dans des lois qui affectent les Palestinien·ne·s partout en Israël et dans les TPO.

Par exemple, les citoyen·ne·s palestiniens d’Israël sont privés de nationalité, ce qui crée une différenciation juridique entre eux et la population juive israélienne. En Cisjordanie et dans la bande de Gaza, où Israël contrôle les services de l’état civil depuis 1967, les Palestinien·ne·s n’ont aucune citoyenneté et la majorité d’entre eux est considérée apatride, et doit par conséquent solliciter des papiers d’identité auprès de l’armée israélienne pour vivre et travailler dans les territoires.

Les réfugié·e·s palestiniens et leurs descendant·e·s, qui ont été déplacés lors des conflits de 1947-1949 et 1967, restent privés du droit de revenir dans leur ancien lieu de résidence. Cette exclusion des réfugié·e·s imposée par Israël est une violation flagrante du droit international et elle abandonne des millions de personnes à une incertitude permanente liée à leur déplacement forcé.

À Jérusalem-Est, annexée par Israël, la population palestinienne a la résidence permanente et non la citoyenneté, et ce statut n’a de permanent que son nom. Depuis 1967, la résidence permanente de plus de 14 000 Palestinien·ne·s a été révoquée à la discrétion du ministère de l’Intérieur, ce qui entraîne leur transfert forcé en dehors de la ville.

Citoyens de seconde zone

Les citoyen·ne·s palestiniens d’Israël, qui représentent environ 19 % de la population, sont confrontés à de nombreuses formes de discrimination institutionnalisée. En 2018, la discrimination contre la population palestinienne a été inscrite dans une loi constitutionnelle qui, pour la première fois, définissait Israël comme étant exclusivement « l’État-nation du peuple juif ». Cette loi encourage également la construction de colonies juives et retire à l’arabe son statut de langue officielle.

Le rapport montre que la population palestinienne est concrètement dans l’impossibilité de signer des baux sur 80 % des terres publiques israéliennes, en raison de saisies foncières racistes et d’un éventail de lois discriminatoires en matière de répartition des terrains, de planification et de découpage du territoire.

La situation dans le Néguev/Naqab, dans le sud d’Israël, illustre parfaitement la façon dont les politiques israéliennes relatives à l’aménagement du territoire et à la construction excluent délibérément la population palestinienne. Depuis 1948, les autorités israéliennes ont adopté plusieurs lignes de conduite visant à « judaïser » le Néguev/Naqab, notamment en créant de grandes réserves naturelles et zones militaires de tir, et en fixant l’objectif d’y développer la population juive. Ces politiques ont eu des conséquences dramatiques pour les dizaines de milliers de Bédouins palestiniens qui vivent dans la région.

Trente-cinq villages bédouins, où vivent environ 68 000 personnes, sont actuellement « non-reconnus » par Israël, c’est-à-dire qu’ils sont coupés des réseaux d’eau et d’électricité nationaux, et ils subissent régulièrement des démolitions. Comme ces villages n’ont aucune existence officielle, leurs habitants subissent aussi des restrictions en matière de participation politique et ils n’ont pas accès aux soins et à la scolarisation. Ces conditions ont contraint nombre de ces personnes à quitter leur logement et leur village, ce qui constitue un transfert forcé.

Après des décennies de traitement délibérément inégal, les citoyen·ne·s palestiniens d’Israël se trouvent systématiquement désavantagés sur le plan économique par rapport à la population juive israélienne. Cet état de fait est exacerbé par la répartition manifestement discriminatoire des ressources publiques : par exemple, seul 1,7 % du plan de relance de l’État adopté à la suite du COVID-19 a été affecté aux autorités locales palestiniennes.

Dépossession

Cette dépossession et le déplacement des Palestinien·ne·s hors de chez eux constituent un pilier central du système d’apartheid israélien. Depuis sa création, l’État israélien a mis en œuvre à grande échelle des saisies foncières cruelles contre la population palestinienne, et continue d’imposer un grand nombre de lois et politiques pour l’enfermer dans de petites enclaves. Depuis 1948, Israël a démoli des centaines de milliers de logements et de bâtiments palestiniens dans toutes les zones relevant de sa juridiction et de son contrôle effectif.

Comme dans le Néguev/Naqab, la population palestinienne de Jérusalem-Est et de la Zone C dans les TPO vit sous le contrôle total d’Israël. Les autorités refusent d’accorder des permis de construire aux Palestinien·ne·s dans ces territoires, ce qui les force à bâtir des structures illégales qui sont démolies à maintes reprises.

Dans les TPO, l’expansion permanente des colonies israéliennes illégales exacerbe la situation. La construction de ces colonies dans les TPO est une politique publique depuis 1967. Actuellement, des colonies sont implantées sur 10 % de la Cisjordanie et environ 38 % des terres palestiniennes à Jérusalem-Est ont été expropriées entre 1967 et 2017.

Les quartiers palestiniens de Jérusalem-Est sont fréquemment la cible d’organisations de colons qui, avec le soutien total du gouvernement israélien, s’emploient à déplacer des familles palestiniennes et à attribuer leur logement à des colons. L’un de ces quartiers, Cheikh Jarrah, est le siège de manifestations fréquentes depuis mai 2021, car des familles luttent pour protéger leur habitation contre la menace d’un procès intenté par des colons.

Restriction draconienne des déplacements

Depuis le milieu des années 1990, les autorités israéliennes ont imposé des limites de plus en strictes aux déplacements de la population palestinienne dans les TPO. Un réseau de postes de contrôle militaires, de barrages routiers, de clôtures et d’autres structures contrôle la circulation des Palestinien·ne·s dans les TPO, et limite leurs allées et venues en Israël ou à l’étranger.

Une clôture de 700 km, qu’Israël continue de prolonger, a isolé les communautés palestiniennes à l’intérieur de « zones militaires », et les Palestinien·ne·s doivent obtenir plusieurs autorisations spéciales à chaque fois qu’ils veulent entrer ou sortir de chez eux. Dans la bande de Gaza, plus de deux millions de Palestinien·ne·s subissent un blocus d’Israël qui a provoqué une crise humanitaire. Il est quasi impossible pour les habitants de la bande de Gaza de se rendre à l’étranger ou ailleurs dans les TPO, et ils sont de fait isolés du reste du monde.

« Le système des permis dans les TPO est emblématique de la discrimination éhontée d’Israël contre la population palestinienne. Les Palestinien·ne·s sont prisonniers d’un blocus, coincés pendant des heures aux postes de contrôle ou dans l’attente d’une énième autorisation, mais les citoyens et colons israéliens sont libres de circuler à leur guise. »

Amnesty International a examiné chacune des justifications relatives à la sécurité qu’Israël fait valoir pour infliger ce traitement à la population palestinienne. Ce rapport montre que, si certaines politiques d’Israël ont été conçues pour répondre à des préoccupations légitimes en matière de sécurité, elles ont été mises en œuvre de manière extrêmement disproportionnée et discriminatoire, ce qui est contraire au droit international. D’autres politiques n’ont absolument aucun fondement raisonnable en matière de sécurité et découlent clairement de la volonté d’opprimer et de dominer.

Pour aller de l’avant

Amnesty International liste des recommandations nombreuses et précises sur la manière, pour les autorités israéliennes, de démanteler le système d’apartheid et la discrimination, la ségrégation et l’oppression qui l’entretiennent.

L’organisation demande qu’il soit tout d’abord mis fin à la pratique brutale des démolitions de logements et des expulsions forcées. Israël doit accorder l’égalité des droits à l’ensemble des Palestinien·ne·s en Israël et dans les TPO, conformément aux principes du droit international relatif aux droits humains et du droit international humanitaire. Le pays doit reconnaître le droit des réfugié·e·s palestiniens et de leurs descendants à rentrer sur les lieux où eux ou leurs familles vivaient autrefois, et doit accorder des réparations complètes aux victimes d’atteintes aux droits humains et de crimes contre l’humanité.

L’ampleur et la gravité des violations recensées dans le rapport d’Amnesty International exigent un changement drastique de la position de la communauté internationale vis-à-vis de la crise des droits humains qui se déroule en Israël et dans les TPO.

Tous les États peuvent exercer la compétence universelle quand des personnes sont raisonnablement soupçonnées de commettre le crime d’apartheid tel qu’il est défini dans le droit international, et les États signataires de la Convention sur l’apartheid ont l’obligation de le faire.

« Israël doit démanteler le système d’apartheid et traiter les Palestinien·ne·s comme des êtres humains, en leur accordant l’égalité des droits et la dignité. Tant que ce ne sera pas le cas, la paix et la sécurité resteront hors de portée des populations israéliennes et palestiniennes. »

Veuillez consulter le rapport et sa synthèse pour y trouver les définitions complètes de l’apartheid selon le droit international.

Pour en savoir plus, veuillez contacter : press@amnesty.org